• Retour de Calais

    Compte-rendu pour les amis

     

     Présent à Calais du lundi 25-3 au Vendredi premier avril

     

     

     

    1 Le camp

    2 Les discussions, le travail des associations

    3 L’analyse de la situation : les 3 émigrations, les trois origines  géographiques  

     4 Questions  pour l’avenir. Alternative à la soumission étatique  et à l’anarchie

    sensations  Première vision,  cocasse ; pour aller à la « jungle » je suis le défilé des migrants qui retournent de la ville par petits paquets ( de 3 ou 4). Ils se suivent les uns derrière les autres. On ne peut pas « manquer le train » même si comme moi on situe mal le camp sur le plan. Donc leur emboîter le pas en parfait anonyme. Un groupe de deux Syriens et deux Soudanais  finalement m’associe à leur marche. On parle avec les mains et un sabir arabo-anglais. Première évidence : ils fuient la guerre (toutes les guerres de leurs pays ). N’ont pas envie de mourir et se battre pour une quelconque idéologie.  Je leur parais crédible car ils se confient, je crois sincèrement.  Je les retrouverai un autre jour dans le camp, me sourient, m’appellent  le « teacher » ( car j’ai en bandoulière ma serviette de prof avec papiers, carnet de notes, plan) ; et que j’ai  voulu initialement  entrer en contact avec « l’école »  du camp  . Il me semble que ce surnom me restera les autres jours où je serai connu comme le prof. Tout ça,  dans la bonne humeur et les souvenirs : le Messie de Haendel a été joué là, à Noël

     

                La  deuxième vision est par contre effrayante, une fois la route nationale quittée,  les deux fourgons de CRS  à l’entrée, passés, vue cauchemardesque : un terrain de 4 ou 5 hectares  labourés comme un bombardement ; plus l’action incessante des  Bulldozers , pelleteuses et camions  qui nettoient les  cinq cents « habitations » avant  l’expulsion de la Zone nord ;  serrement de cœur quand, dans les débris, on voit des poupées d‘enfants, un ballon de foot , des habits broyés ou salis, outre un peu de matériel de cuisine traînés  là  qui demeure après l’évacuation. Je  m’approche de la seule cabane : les écoles (deux minuscules « salles »)  où un cours d’anglais  se déroule.  Les panneaux d’indications et les programmes tous en anglais. Je crois voir sur un tableau  une proposition de cours d’art ! La bibliothèque qui devait être garnie avec rangées de livres  brinquebalantes,  sans toit étanche,  maintenant est livrée au mauvais temps([1]).  Pensée pour Victor Hugo dont on lit la célèbre  sentence esquissée au pinceau « Une école qu’on ouvre, c’est une prison qui se ferme » !  Bref, un déluge d’impressions contradictoires. Dans la partie sud du camp qui résiste, le conglomérat de baraques dites « jungle »  me rappelle étrangement ce que les colons appelaient en Algérie, les villages nègres, c’est à dire  les bidonvilles, gourbis des quartiers indigènes à la sortie de la ville européenne.  Ou encore les villages de regroupement en  préfabriqué pour les expulsés des douars. Comme dans des bidonvilles, d’abord : le sentiment absolu de sécurité !! Rien de menaçant, aucun regard méfiant, en dessous,  aucune  interpellation menaçante,  aucune entrave à mes mouvements. Me sens plus en sécurité que dans les  rues de Marseille ou de Grenoble ([2]) Anarchie des « constructions » de fortune avec des rues au sol  boueux, quoique « propre » ;  sauf les ruisseaux recèlent des détritus. Pas d’odeur  nauséabonde non plus : (toilettes sèches). Immensité et  pauvreté des lieux,  la taille  du camp, même réduite de moitié,  correspond à un ghetto  de 6000  hab. Seuls subsistent quelques commerces et  « bistrots », façon squats, c’est à dire bricolés à partir de « rien ».  Sous les tentes ou les baraques, on aperçoit  un réchaud, une caisse comme    table avec des verres, Les rejets de notre société  servent là, ad minima, transformés par de gens inventifs. Peu de bruit : pas de musique arabe ou noire, pas de  haut parleur  (au café,   en sourdine,  table bancale,  minuscule espace). Population  beaucoup plus jeune que je ne le pensais ;  impression d’une majorité des moins de 25 ans ; ils ne mendient pas, ne se plaignent pas. Le camp est leur famille : ils se visitent,  silencieux   de baraque à l’autre, sans trop se mélanger (trop de nationalités différentes ?).Ils vivent en petits groupes  par affinités et non entièrement par nationalité. Ethniquement, on devine trois émigrations : le Moyen –Orient, l’Asie ( Pakistan, Afghanistan, Caucase, et en partie Inde) , la corne de l’Afrique avec ses Egyptiens et ses Noirs.  Pas d’uniformité, pas d’habits traditionnels sauf quelques Afghans ou Pakistanais.  Pas de femmes en vue ou d’enfants, mais une fois le camp vidé, les familles venaient d’être « dégroupées » et mises dans les abris-conteners (malgré leur  réticence d’être enfermés et envoyés de force vers leur pays).  Donc une impression  pas trop déprimante, vu la jeunesse et l’absence de désespoir.  Si on salue le premier,  ils saluent, si on sourit, ils sourient en retour, si on demande un renseignement ils s’arrêtent et tentent de comprendre et d’aider. Dénuement bien sûr  mais aucune fraction des habitants ne joue la victimisation.  Ce qui frappe  cependant est entre eux la double barrière de la langue, et au-delà du mur invisible du ghetto, une aisance urbaine à circuler dans   la ville à coté (4 ou 5 Kms).  Ils la fréquentent peu,  sauf les grandes surfaces  discount. Ils  reviennent rapidement comme si le camp était la sécurité, la  matrice contre les aléas de la police. Quand  ils marchent hors du camp,  c’est  d’un pas rapide et  ne traînent pas ; quand ils parlent c’est vite aussi.  En ville,  ils ne regardent pas les vitrines de luxe  ou les commerces de mode. Ils vont visiter d’autres  compatriotes, ailleurs et paraissent toujours occupés : pas d’oisifs, bien qu’il n’y ait  probablement  peu à faire.  Pas d’attente inactive, le mouvement est l’animation incessante. Dans quels buts ?  Améliorer  l’ordinaire, trouver de menus biens en vue de son confort,  et des choses à cuisiner.  Personne  ne  dévisage l’étranger  de passage. Ils font la queue aux lieux de distribution par les volontaires,  genre « soupes populaires », qu’ils avalent vite debout.  Ambiance d’occupations sans finalité visible mais  des taches inconnues  se pratiquent. Aucun symbole,  ni nom de rue ou de direction. Tous ont l’air de s’y retrouver et chaque quartier parait avoir ses « nationaux ».  Impression d’une communauté  parmi un chaos matériel ; un maëlstrom de mouvements, une circulation incessante, bref une marche en rond 

    En dialoguant  en un sabir ou avec les rares francophones,  on apprend ou on  devine : ils veulent tous  partir en Angleterre et apparaissent sûrs d’y arriver. Donc ils  sont patients  et  déterminés. En contact téléphonique et mails avec l’Outre-Manche et avec leur familles restées au pays. Beaucoup sont des urbains, bien scolarisés, cultivés qui ont voyagé.  Si on  parle  arabe, on apprend qu’ils furent étudiants, informaticiens, agents publics, cadres d’industrie, comptables et instructeurs. L’émigration, là, serait culturelle et antireligieuse,  fuite  face au traditionalisme  de leur société, fuite devant le patriarcat et  l’anti-développement  des régimes féodaux.

    Une seule aversion  leur est commune : l’antimilitarisme ; ils détestent toutes les armées, toutes les limites de mouvement, y compris les ex-talibans, les Irakiens ou ceux venus d’Asie centrale,  après 20  ans de  combats.  Ils furent souvent enrôlés de force, battus et maltraités,  veulent échapper à tous les conflits armés. Ne veulent combattre pour aucun parti, ni clan religieux. Quelques-uns  sont des déserteurs de chez Assad ou Daesch, ont parfois été prisonniers d’un camp ou de l’autre, et cherchent à s’éloigner de cet enfer à brutalité égale.  Ils ont des ordinateurs et des portables qu’ils manipulent, assis à terre, avec un courant  alimenté  de générateurs.  Conditions spartiates dont ils ne se plaignent pas, conscients de leur chance d’avoir mis des milliers de Kms entre eux et le « front ». Ne veulent pas être pris en photos, de peur de représailles contre leurs parents. 

    Mes impressions  sont rapides  et subjectives ; donc à vérifier avant de conclure. Mais  ces rencontres, ce voyage à Calais, sont à faire à tout prix ! Sans risques mais instructives. Je ne le regrette pas  car j’ai appris en 4 jours plus qu’en 4 ans de reportages de médias

     

      II  la longue marche des associations de bénévoles et des collectifs militants. Début d’un mouvement de fond qui fera de ces bénévoles dans 10 ans, des   pionniers,   des soldats de la paix de  cette Europe-contacts qui naît ici ,voire  du futur pays: « l’Eurasie ». La sensation qu’un monde nouveau se créé là, qu’une ère  de relations avec le tiers ou le quart-monde émerge là est très forte.  En tout cas, c’est cette conviction qui m’a conduit  à mon âge à  faire des observations sur cette entreprise, hors du commun et totalement imprévue

    La foule des « assos », les volontaires locaux nombreux, un forum  de toutes sortes d’ ONG  ou petits groupes  internationaux se concentrent  sur  une étroite bordure littorale.  Des militants, partout dans le camp, avec  la même obsession ; secourir dans l’urgence. Une  intense activité, mais sans énervement et à chacune, un secteur  d’action. Souvent regroupées en plateformes, auberges, elles offrent soins, ressources alimentaires ; ces associations au fort dynamisme et sens d’inventif ont improvisé une aide en quelques mois grâce à une organisation spontanée ! Il semble régner  une égalité (entre responsables et la base ?) : est-ce le résultat de  la   jeunesse des « engagés » ? Où à l'automatisme de l’internationalisme coopératif ? (Nombreux pays représentés :40 nationalités de  volontaires  se côtoient là  depuis 5 ans). Donc d’innombrables collectifs, informels ou pas, des grandes ONG  et des inorganisés de la région,  collaborent, indistinctement,  dans une lutte anonyme, sans sigles, sans signes d’appartenance, sans moyens, sans gratifications ; avec une seule visée : être utile et  nourrir 6000 personnes tous les jours. Le sentiment d’estime et de gratitude envers tous  ces  gens dévoués, devrait être entier de la part du reste de la population  française. Une fraction de  nos compatriotes a cependant la certitude inverse. Quand je feuillette le bulletin municipal de Mme Bouchart,  la maire de Calais : deux articles  me frappent,    deux problèmes  ramenés  à une seule solution : « Eradiquez les goélands ( ils saliraient,   crevant les sacs poubelles ; déjections sur les toits ) et  éloignez les migrants. Dans un cas elle préconise la stérilisation....  des nids et  veut chasser les migrants hors de notre vue,  au  titre du projet en cours : faire de Calais, la Saint Tropez  du Nord !

    En parlant en ville avec taxis, commerçants, employés de service, on  devine que cette politique discriminatoire  gêne  bien des administrés. On ne sent vraiment pas d’hostilité forte, en tout cas aucun racisme « petit blanc ».  Les notables « excédés »  sont  néanmoins ceux qui font les  meilleures affaires (hôtels pleins, commerce apparemment pas atteint : des bénévoles étrangers, des touristes  consomment et améliorent les profits hôteliers). Ils profitent  de ça pour que l’Etat déclare la zone sinistrée,  « en catastrophe naturelle ». Le business as usual ?

     

     Dans le centre ville, peu de migrants visibles ou alors très discrets, ils passent vite de peur de la...fourrière ! Les Anglais viennent nombreux pour la journée : hôtels à eux,  une brasserie, un pub irlandais... Ce mélange est très curieux et se vit dans la bonne humeur. Impression que la solidarité internationale  a trouvé là un terrain  d’élection, un lieu de rencontre et de discussion permanente. J’ai visité un « gare » de triage de la récupération des matériaux de construction, de vêtements usagés, de nourriture, un entrepôt, non loin du port,  où s’entassent de montagnes de produits à  distribuer. Chaussures bienvenues, habits chauds recherchés.  .Les policiers   déplacent parfois des groupes de migrants qu’ils  abandonnent loin dans la nature ....et  prennent leurs chaussures pour les immobiliser.  Exclusions dérisoires car ils reviennent toujours 

    En conséquence, ce ramassage au sein de  l’Europe  procure habits, couvertures, sacs de couchage,  tentes,  outils de construction d’abris,  bois de chauffage (débiter les palettes abandonnées au port) . Intense activité autour de ces tas en vrac. Une centaine de bénévoles se relaient, l’air heureux  malgré  la rusticité  du lieu et  chacun fait sa tache sans disputes et apparemment, sans  discussions : une ruche ou mieux une fourmilière où chacun sait parfaitement ce qu’il doit faire et le réalise sans s’arrêter, sans bavarder, sans gêner les divers déménagements.  Des équipes d’Anglaises (à première vue : jeunes filles de 20  à 30 ans, motivées, concentrées) vivent sur l’entrepôt  dans des petites baraques ou caravanes installées là. Propreté malgré la vétusté.  Au sein de ce chaos, on pressent  une logique de fraternité, et  de liberté par l’action. Un ordre de l’efficacité règne sous le désordre.  Impressionnante conviction qui se dégage du fait de l’énergie de la jeunesse inébranlable (recommencer toujours et toujours ce que notre administration et  police démolissent). Les Anglais viennent, me dit-on, par roulement de 15 jours en aide intensive. Partout, on entend plus d’anglais que de français ou d’arabe (manque des traducteurs malgré des bénévoles africains). Une authentique Internationale en faveur des damnés de la terre de Calais!

    Qu’il n’y ait pas beaucoup de  nos compatriotes, hors les  volontaires de la région, est regrettable. On ne voit pas d’étudiants,  militants de nos universités. Pourtant observer ce  cas d’école de concentration  de bonne volonté  et de collaboration extranationale serait unique. On rencontre de nombreux jeunes journalistes free-lance, photographes, cinéastes ; quelques thésards étrangers  recueillant des documents. Une mémoire à construire ? Je le souhaite comme de trouver le futur mémorialiste de cette épopée qui  symbolisera longtemps, un moment de l’histoire de l’Europe et de l’Asie-Afrique

    Insolites, des convois de camions viennent de l’Europe entière et débarquent leurs marchandises . Une  fois  les Belges arrivèrent avec 40 véhicules  emplis de tous les résidus  de la société de consommation (incongruité des contenus: parfois des sous vêtements  féminins ou de luxe !)   Bien sûr  geste maladroit et involontairement « provocateur » pour des  hommes depuis longtemps  coupés des femmes. Au passage : comment fait-on pour qu’une cohorte   de 5000 jeunes gens  se contrôlent,  soient en tous points respectueux de l’autre sexe, ne le  dévisage pas, ni ne pratique invites, ou  allusions douteuses ; bien entendu  des maffias, (Russes ? très présents en ville de Calais à l’affût d’affaires)  ont  installé un bordel de « campagne »,

    On présumera que la  retenue de la part de milliers de jeunes gens coupés de relations féminines, n’est pas uniquement   due à l’appréhension  de l’expulsion mais, je pense,  plutôt à leur culture familiale, une relation  moderne  entre jeunes des deux sexes : On  signale quelques  viols aussi.. par des CRS !). Quand on  sait  la violence sexuelle exercée par nos soldats  durant les guerres coloniales  –où celle, actuelles, des soldats  des forces d’interposition ONU, au Mali, République centrafricaine ,on ne peut   qu’apprécier la différence de mentalité et  une distinction  native,  entre une soi disant civilisation et  la barbarie,  différences qui ne sont pas là où on les croit

    J’ai assisté à 2 réunions de collectifs d’aide  à Calais- même. Là aussi une bonne surprise : pas de rite ni de bavardage creux,   pas de hiérarchie avérée ;  pas d’autoritarisme de leader, pas de contrainte sur sujets et temps de parole. Sur  la trentaine de  militants observés :   jeunesse manifeste ; tous  moins de 30 ans plus  trois ou 4 sexagénaires.  Mélange sans problème et sans  imposition  d’ordre d’intervention ou d’un droit de parole d’aînesse. Tous les participants semblent respecter un temps équivalent à celui des autres. Personne ne monopolise un avis. Là, donc changement total par rapport aux discussion militantes.  Peu de conflits de personnes ; peu de polémiques entre associations : il faut être direct, rapide, efficace dans la prise de décision et  la réalisation des taches

    Cette nouvelle démocratie  de base a-t-elle  demandé un  gros effort, est-elle une contrainte de la situation ?les ego politiques semblent disparus dans une logique d’urgence d’action. Pour celui qui a vécu l’inverse, dans les années antérieures, des mouvements activistes,  c’est un événement à réfléchir D’autant plus surprenant que les origines  et les caractéristiques de la dizaine d’associations présentes  sont variées, incluant des divergences probablement, mais elles n’entravent pas le collectif . Pas de complaisance  à soi, pas de valorisation de son propre groupe. Les sujets évoqués sont la diffusion des informations données par chaque  association ou collectif pour son secteur  au sujet  de l’état de santé  (par exemple les grévistes de la faim); les répliques à l’Etat et à la police ;  les réactions en cours par les personnels et autres actions en  cours justice saisie des instances internationales, un recensement de la population. Je résume excessivement 2 h. 30 de discussions.  Pour  celui qui   abhorre la volonté  ordinaire de se mettre en avant,  la sélection (dureté des actes à mener,  conditions de travail précaires)  engendre des acteurs réalistes et  dynamiques  pour qui l’engagement semble aller de soi.  On ne parle pas des difficultés ordinairesà   se faire entendre de  l’extérieur.   Tous Volontaires  sans complainte, une volonté de se battre contre l’apathie générale malgré l’indifférence des partis locaux et  la pression des groupes fascisants

     Les interventions portent sur la stratégie  à court terme. Les discussions sont basiques et réalistes : résoudrent des cas particuliers ; familles dispersées par la police qui dispatche et ou sépare parents et enfants. Parmi les militants  (en majorité de femmes), plusieurs nationalités,  notamment d’ avocats et personnels de santé  (je n’ai pas vu d’enseignants) se battent sur ce front depuis 3 ou 4 ans (ils étaient là  pour Sangate)

    Quelques  points de l’ordre du jour : les recours, plaintes déposées,  enquêtes pour étayer un dossier,  affectations par la préfecture des abris et destinations,  évacuation des squats  ou assignement et  l’attribution  du  papier (demande d’asile) «  le fameux papier » qui donne le minimum d’existence  face à l’expulsion ou aux  menaces policières ( chez les CRS on   devine deux extrêmes :  tolérance et même bienveillance dans les contrôles ou bien animosité  et violences gratuites : un coup de matraque sur la tête sans raison , en passant)

     

     

     

     

     3 Part du compte–rendu adressé : « Aux camarades » ( et à la mémoire de l’un d’eux, récemment disparu à 38 ans : Max Brichet)

     

     

    Les attentes  à l’égard de la démocratie et de la république ressenties au cours de mes discussions avec des militants de Calais, devenus vite des amis (qui m’ont facilité l’accès) s’appuient, -je le dis avec tout le respect à l’égard  de leur action-, plus que je ne le pensais, sur des  schémas où le rôle de l’Etat reste prédominant.  Ils sont  étonnamment à la fois très critiques et légalistes. Les recherches de solutions qu’ils poursuivent avec acharnement  passent  toutes par la justice civile, administrative ou internationale (faire condamner par la Cour Européenne de justice ; l’appel aux Droits de l’Homme) ,bref mobiliser la conscience des élus et des électeurs,  s’appuyer  tout en les critiquant sur les organes locaux du pouvoir. Et ceci est bien naturel .Premier adversaire : l’Etat, dont l’absence de volonté de solutions humaines  aux migrations est manifeste, mais aussi qui représente contradictoirement, le seul et unique remède (à part l’action citoyenne) . Pas d’autre  « sortie » sinon la violence  pour la violence. Car en face de la force publique et de la loi,  il n’y a rien,  sinon la violence en réponse; les anarchistes au coup par coup ;; l’extrême -gauche agitatrice qui tentent  d’opposer une réponse constructive de féderations d'associations; celle de la république indigne et inhumaine. Entre ces deux  extrêmes :pas d’alternative. Apparemment on ne pourrait sortir du piège actuel  du  manichéisme. Selon l’opinion, si on abandonne le  « modèle » du régime démocratique dominant, même  pourrissant, on tombe dans le nihilisme ou  l’opposition stérile et systématique

    Or, il existe des issues qui nous paraissent, à nous, naturelles.  De vrais exemples et de vraies expériences sur deux siècles  manifestent le contraire du fixisme et de l’immobilisme. Et quand nous leur en faisons part,  ils sont surpris. Les  idées que nous avons abandonnées, nous, il y a longtemps, à base de clichés, de tutelle de la pensée dominante, de catégories de raisonnement devenues obsolètes,  sont-elles trop lourdes à soulever? Entre le système Gauche/Droite qui a pu être un moyen de classement et d’analyse  et qui ne l’est plus depuis 20 ans  (ou même avant) que faire ?  Nous savons  qu’il y a  d’autres voies. Si on n’accepte pas la république et la démocratie actuellement en vigueur, on tomberait dans le chaos ! Non !il suffit d’inventer, de montrer un peu d’imagination historique ; la pauvreté des idées et le conformisme de débat est déprimante. Tous les volontaires, engagés avec qui j’ai discuté, n’imaginent pas  des solutions moyennes. Ils tombent des nues quand je leur dis que nous, notre groupe (c’est-à-dire rien ; personne ; c’est vrai)  avons pensé à la transition vers une autre République très différente, mieux adaptée  au temps, meilleure en résultats que celle qui s’effondre (qui n’a jamais  été convaincante, ex : les épisodes coloniaux)  et qu‘une  démocratie enrichie peu  dépasser celle que nos aïeux ont inventée.

    Quand j’évoque les moyens techniques juridiques dont, nous, nous parlons tous les jours et qui nous semblent évidents,ils restent attentifs mais incrédules comme si les jeux était fait depuis 2 siècles, les normes intouchables, les codes, sacrés puisqu’ ils viendraient de « 89 » ! Gauche / Droite même combat : les « gaudro » comme on dit entre nous, confusion des valeurs et des partis. C’est  simple, pour nous qui avons pensé le combat G/D comme illusoire depuis la guerre d’Algérie et qui avons esquissé des solutions autres

    C’est ce fossé de croyances possibles, le réalisme ordinaire, qui nous sépare des meilleurs militants de Calais  ou d’ailleurs, et qui me fait vous dire que nous avons du pain sur la planche, camarades, pour justifier les solutions  banales, pour nous, démocrates et républicains, mais d’une autre sorte. Alors Calais m’a fait sentir que nous devions combler le fossé,  et redoubler d’efforts  de diffusion de ce qui est pour nous si manifeste ; les  bénévoles qui  oeuvrent et qui sont la régénération au nom de la libération de migrants  devraient être pour nous, le premier public. Les migrants n’échapperont au destin funeste que si la conscience politique française est « révolutionnée ». Mais notre aveuglement ne date pas d’hier, il est historique ; le gaspillage de notre enseignement est ahurissant, idem la pauvreté de notre recherche universitaire.  

    Aux armes, amis,  stylos,  blogs,  exposés  publics : le boulot nous attend et commence  sur ce bord de France !  

    La République  actuelle est fausse bonne idée, la démocratie est fictive  dans les faits et dans les réalisations : il nous faut de la patience, de la pédagogie  et accepter le refus de institutions installées, l’académisme, le journalisme que nous vivons tous les jours,  en lanceur d’alertes   de la médiocrité intellectuelle. Vous savez le sort fait à nos conceptions sur la vie et la fin  des républiques qui ne fait pas débat. Vous le savez, camarades : ce chemin  clandestin sur le web évoqué souvent  entre nous, et le livre quasi collectif ([3] ) qui  en est issu raconte les cas vécus  de républiques fortes ou faibles, vivantes ou en  morts  cérébrales. Toutes les innovations ayant vu le jour doivent être connues. Je rappelle quelques inventions de nos ancêtres de toutes nationalités ;  représentation élective ou tirage au sort sélectif, choix locaux ou nationaux, contrôle des élus par des jurys populaires ? Des quotas de certaines professions ou certains secteurs parmi les élus ?  Droit de vote  ou droit à l’accès au scrutin il faut choisir ! Beaucoup de choses ont été tentées et ont  réussi ailleurs dans l’histoire républicaine.  Nous, on reste bloqué sur notre Révolution de 89.  Le suffrage universel doit être revu  afin que la fausse égalité « un Homme, une voix »  soit atténuée car formelle  ainsi que l’éligibilité à base de la fortune et des dépenses personnelles à   salarier des agents de propagande. Que soient  réhabilités le vote de groupes en collectifs acteurs, et la gratuité de candidature soutenues par des régions ou  des professions

    La limitation des droits de la propriété, notamment  celle économique cruciale imposerait  un  non droit à l’héritage au-delà de 2 générations ; les portefeuilles d’actions et les  fonds  hérités seraient plafonnés. Surveillance des propriétés associatives extensives, la propriété privée, elle même,    ne peut être sans limites ; celle d’entreprise doit être surveillée (corps d’avocats publics à ce service) ;  les directions  ne seraient pas de droit divin mais renouvelables par tirage au sort ou issues  d’horizons variés ;  les groupes de taille mondiale doivent être surveillés et particulièrement la propriété des grands médias et des éditions. Ils nous dictent ce qu’il faut penser aujourd’hui, ce que nous devons croire, comme seules solutions. Notre manque d’imagination créatrice est  funeste et nous renvoie aux vieilles lunes dont se servent de piètres  opportunistes  dans nos organes de pouvoir

     Des anthropologues (Jack Goody le plus connu),  de nombreux historiens ont étudié les diverses républiques dans le temps et par le monde.  Elles ont connu des expériences incomparables et des solutions ingénieuses, riches, aux contradictions parfois fécondes. Nous n’en savons rien puisqu’on ne les étudie jamais en série.  Notre ignorance rétrospective est insondable et personne au sommet ne nous aide, ni n’incite, puisque le mot d’ordre de tout pouvoir est le pouvoir en soi.  La complexité des cas démocratiques  inventés depuis l’Antiquité mérite une réflexion comparative. La diversité des situations mondiales doit faire sortir l’Europe de son enclos frileux

    Par exemple :

    Le mode de gestion des élus devra être contrôlé par les électeurs : refus de mandats successifs ;  mélange  obligatoire des professions à L’Assemblée  Nationales où seules  une quinzaine de professions sont surreprésentées .Chercher des équilibres dans le mélange  des expériences professionnelles vécues par les députés et mélange des compétences des élus. Mille solutions et mille suggestions ont été analysées dans le passé et expérimentées Mais les juristes se taisent et c’est les moins bien placés d’entre eux qui parlent. Donc refuser la professionnalisation des politiciens, à vie. Renouveler  les écoles de formation à la politique et  interdire l’autosélection des élites qui gouvernent depuis 50 ans en puisant dans le même vivier de scolarisation « diplômé ès études politiques » ; de là la sclérose des vedettes en politique  ,leur étroitesse d’esprit  et leur absence de sens pratique

     De nombreuses autres solutions ont été trouvées dans la longue histoire des Républiques -notamment sur le mode de scrutin (ni majoritaire, ni proportionnel par quotas de grands secteurs économiques nationaux). Le mode de représentation : abandon du « Un homme-une voix », au profit des choix de votes multiples, pour des individus en charge de la Nation  (actifs/ jeunes parents)

    -Sur les modalités de vote : rapprocher les  urnes et les bureaux, des cités et des quartiers, les étaler sur plusieurs jours pour intéresser la population qui est actuellement exclue (lourdeur des procédures et  immobilisation du lieu de vote). Votes de groupes ou d’associations qui auraient droit  de parole au mode d’élection; les urnes sur les lieux de vie  et les cités faciliteraient  un scrutin adapté au mode de vie. Tout ceci a été expérimenté  et a marché au profit de la mobilité et de l’ouverture. Depuis 50 ans aucune idée nouvelle des constitutionnalistes, hors de  leur petit terrain,  n’a vu le jour.  La culture historique s’est étiolée

    -Un corps de comptables itinérants comme ceux de la Cour des comptes assurerait la  surveillance de la grande corruption et la peine capitale pour les récidivistes.   Renouvellement obligatoire des assemblées élues par interdiction de deux mandats (la Constituante l’avait fait en 1791,  sinon autosatisfaction permanente des élus)

    Notre sens critique est émoussé, les initiatives sont étouffées. Nous avons perdu toute imagination. Cependant l’étendue de l’expertise des  diverses républiques, bien sûr toutes mortelles, permettra la réflexion sur forces et moyens, sur progressisme et conservatisme,  succès et échecs.

    Un répertoire de création  d’idées neuves  en  amélioration démocratique  sera ouvert.

    A vos tribunes !!

    Et  Merci à Calais  si ce fut le point de départ du renouvellement

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    [1] Pancarte qui survit dans les ruines « Ecole laïque des dunes ». Quelques graffitis  sur ce qui reste de l’ « église » (genre étable de Bethlehem) : « La France se prostitue  sur les trottoirs des dictatures du monde »

    [2] Anecdote cocasse :  avant le départ j’ai fait l’expérience de la menace; allant à la gare avec ma valise, sur le trottoir d’une avenue passante, je me suis porté sans le temps de réfléchir au secours d’une  conductrice qui, se garant, ouvre sa fenêtre et se voir dérobée  par un homme, de sa bourse, le sac et le portable sur le siège. Elle les agrippe, l’homme tire par la vitre et secoue; je suis à pied, et saisis entre les deux,  la lanière tirée par  chacun : je demande poliment  au voleur de « laisser la dame tranquille ». Je reçois un coup de pied au ventre, genre boxe  libre ou karaté, et  suis cul à terre. L’homme qui arrache,  part en courant ;  une leçon : Moi ?  Vouloir porter secours à une femme ?   Pas deux fois !

    [3]  Cf.Nos publications, ou celles introuvables telle ; « La mort des républiques »  : site Mondialisation et Histoire (Peneff et al.)


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