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Retour de Calais
Compte-rendu pour les amis
Présent à Calais du lundi 25-3 au Vendredi premier avril
1 Le camp
2 Les discussions, le travail des associations
3 L’analyse de la situation : les 3 émigrations, les trois origines géographiques
4 Questions pour l’avenir. Alternative à la soumission étatique et à l’anarchie
I sensations Première vision, cocasse ; pour aller à la « jungle » je suis le défilé des migrants qui retournent de la ville par petits paquets ( de 3 ou 4). Ils se suivent les uns derrière les autres. On ne peut pas « manquer le train » même si comme moi on situe mal le camp sur le plan. Donc leur emboîter le pas en parfait anonyme. Un groupe de deux Syriens et deux Soudanais finalement m’associe à leur marche. On parle avec les mains et un sabir arabo-anglais. Première évidence : ils fuient la guerre (toutes les guerres de leurs pays ). N’ont pas envie de mourir et se battre pour une quelconque idéologie. Je leur parais crédible car ils se confient, je crois sincèrement. Je les retrouverai un autre jour dans le camp, me sourient, m’appellent le « teacher » ( car j’ai en bandoulière ma serviette de prof avec papiers, carnet de notes, plan) ; et que j’ai voulu initialement entrer en contact avec « l’école » du camp . Il me semble que ce surnom me restera les autres jours où je serai connu comme le prof. Tout ça, dans la bonne humeur et les souvenirs : le Messie de Haendel a été joué là, à Noël
La deuxième vision est par contre effrayante, une fois la route nationale quittée, les deux fourgons de CRS à l’entrée, passés, vue cauchemardesque : un terrain de 4 ou 5 hectares labourés comme un bombardement ; plus l’action incessante des Bulldozers , pelleteuses et camions qui nettoient les cinq cents « habitations » avant l’expulsion de la Zone nord ; serrement de cœur quand, dans les débris, on voit des poupées d‘enfants, un ballon de foot , des habits broyés ou salis, outre un peu de matériel de cuisine traînés là qui demeure après l’évacuation. Je m’approche de la seule cabane : les écoles (deux minuscules « salles ») où un cours d’anglais se déroule. Les panneaux d’indications et les programmes tous en anglais. Je crois voir sur un tableau une proposition de cours d’art ! La bibliothèque qui devait être garnie avec rangées de livres brinquebalantes, sans toit étanche, maintenant est livrée au mauvais temps([1]). Pensée pour Victor Hugo dont on lit la célèbre sentence esquissée au pinceau « Une école qu’on ouvre, c’est une prison qui se ferme » ! Bref, un déluge d’impressions contradictoires. Dans la partie sud du camp qui résiste, le conglomérat de baraques dites « jungle » me rappelle étrangement ce que les colons appelaient en Algérie, les villages nègres, c’est à dire les bidonvilles, gourbis des quartiers indigènes à la sortie de la ville européenne. Ou encore les villages de regroupement en préfabriqué pour les expulsés des douars. Comme dans des bidonvilles, d’abord : le sentiment absolu de sécurité !! Rien de menaçant, aucun regard méfiant, en dessous, aucune interpellation menaçante, aucune entrave à mes mouvements. Me sens plus en sécurité que dans les rues de Marseille ou de Grenoble ([2]) Anarchie des « constructions » de fortune avec des rues au sol boueux, quoique « propre » ; sauf les ruisseaux recèlent des détritus. Pas d’odeur nauséabonde non plus : (toilettes sèches). Immensité et pauvreté des lieux, la taille du camp, même réduite de moitié, correspond à un ghetto de 6000 hab. Seuls subsistent quelques commerces et « bistrots », façon squats, c’est à dire bricolés à partir de « rien ». Sous les tentes ou les baraques, on aperçoit un réchaud, une caisse comme table avec des verres, Les rejets de notre société servent là, ad minima, transformés par de gens inventifs. Peu de bruit : pas de musique arabe ou noire, pas de haut parleur (au café, en sourdine, table bancale, minuscule espace). Population beaucoup plus jeune que je ne le pensais ; impression d’une majorité des moins de 25 ans ; ils ne mendient pas, ne se plaignent pas. Le camp est leur famille : ils se visitent, silencieux de baraque à l’autre, sans trop se mélanger (trop de nationalités différentes ?).Ils vivent en petits groupes par affinités et non entièrement par nationalité. Ethniquement, on devine trois émigrations : le Moyen –Orient, l’Asie ( Pakistan, Afghanistan, Caucase, et en partie Inde) , la corne de l’Afrique avec ses Egyptiens et ses Noirs. Pas d’uniformité, pas d’habits traditionnels sauf quelques Afghans ou Pakistanais. Pas de femmes en vue ou d’enfants, mais une fois le camp vidé, les familles venaient d’être « dégroupées » et mises dans les abris-conteners (malgré leur réticence d’être enfermés et envoyés de force vers leur pays). Donc une impression pas trop déprimante, vu la jeunesse et l’absence de désespoir. Si on salue le premier, ils saluent, si on sourit, ils sourient en retour, si on demande un renseignement ils s’arrêtent et tentent de comprendre et d’aider. Dénuement bien sûr mais aucune fraction des habitants ne joue la victimisation. Ce qui frappe cependant est entre eux la double barrière de la langue, et au-delà du mur invisible du ghetto, une aisance urbaine à circuler dans la ville à coté (4 ou 5 Kms). Ils la fréquentent peu, sauf les grandes surfaces discount. Ils reviennent rapidement comme si le camp était la sécurité, la matrice contre les aléas de la police. Quand ils marchent hors du camp, c’est d’un pas rapide et ne traînent pas ; quand ils parlent c’est vite aussi. En ville, ils ne regardent pas les vitrines de luxe ou les commerces de mode. Ils vont visiter d’autres compatriotes, ailleurs et paraissent toujours occupés : pas d’oisifs, bien qu’il n’y ait probablement peu à faire. Pas d’attente inactive, le mouvement est l’animation incessante. Dans quels buts ? Améliorer l’ordinaire, trouver de menus biens en vue de son confort, et des choses à cuisiner. Personne ne dévisage l’étranger de passage. Ils font la queue aux lieux de distribution par les volontaires, genre « soupes populaires », qu’ils avalent vite debout. Ambiance d’occupations sans finalité visible mais des taches inconnues se pratiquent. Aucun symbole, ni nom de rue ou de direction. Tous ont l’air de s’y retrouver et chaque quartier parait avoir ses « nationaux ». Impression d’une communauté parmi un chaos matériel ; un maëlstrom de mouvements, une circulation incessante, bref une marche en rond
En dialoguant en un sabir ou avec les rares francophones, on apprend ou on devine : ils veulent tous partir en Angleterre et apparaissent sûrs d’y arriver. Donc ils sont patients et déterminés. En contact téléphonique et mails avec l’Outre-Manche et avec leur familles restées au pays. Beaucoup sont des urbains, bien scolarisés, cultivés qui ont voyagé. Si on parle arabe, on apprend qu’ils furent étudiants, informaticiens, agents publics, cadres d’industrie, comptables et instructeurs. L’émigration, là, serait culturelle et antireligieuse, fuite face au traditionalisme de leur société, fuite devant le patriarcat et l’anti-développement des régimes féodaux.
Une seule aversion leur est commune : l’antimilitarisme ; ils détestent toutes les armées, toutes les limites de mouvement, y compris les ex-talibans, les Irakiens ou ceux venus d’Asie centrale, après 20 ans de combats. Ils furent souvent enrôlés de force, battus et maltraités, veulent échapper à tous les conflits armés. Ne veulent combattre pour aucun parti, ni clan religieux. Quelques-uns sont des déserteurs de chez Assad ou Daesch, ont parfois été prisonniers d’un camp ou de l’autre, et cherchent à s’éloigner de cet enfer à brutalité égale. Ils ont des ordinateurs et des portables qu’ils manipulent, assis à terre, avec un courant alimenté de générateurs. Conditions spartiates dont ils ne se plaignent pas, conscients de leur chance d’avoir mis des milliers de Kms entre eux et le « front ». Ne veulent pas être pris en photos, de peur de représailles contre leurs parents.
Mes impressions sont rapides et subjectives ; donc à vérifier avant de conclure. Mais ces rencontres, ce voyage à Calais, sont à faire à tout prix ! Sans risques mais instructives. Je ne le regrette pas car j’ai appris en 4 jours plus qu’en 4 ans de reportages de médias
II la longue marche des associations de bénévoles et des collectifs militants. Début d’un mouvement de fond qui fera de ces bénévoles dans 10 ans, des pionniers, des soldats de la paix de cette Europe-contacts qui naît ici ,voire du futur pays: « l’Eurasie ». La sensation qu’un monde nouveau se créé là, qu’une ère de relations avec le tiers ou le quart-monde émerge là est très forte. En tout cas, c’est cette conviction qui m’a conduit à mon âge à faire des observations sur cette entreprise, hors du commun et totalement imprévue
La foule des « assos », les volontaires locaux nombreux, un forum de toutes sortes d’ ONG ou petits groupes internationaux se concentrent sur une étroite bordure littorale. Des militants, partout dans le camp, avec la même obsession ; secourir dans l’urgence. Une intense activité, mais sans énervement et à chacune, un secteur d’action. Souvent regroupées en plateformes, auberges, elles offrent soins, ressources alimentaires ; ces associations au fort dynamisme et sens d’inventif ont improvisé une aide en quelques mois grâce à une organisation spontanée ! Il semble régner une égalité (entre responsables et la base ?) : est-ce le résultat de la jeunesse des « engagés » ? Où à l'automatisme de l’internationalisme coopératif ? (Nombreux pays représentés :40 nationalités de volontaires se côtoient là depuis 5 ans). Donc d’innombrables collectifs, informels ou pas, des grandes ONG et des inorganisés de la région, collaborent, indistinctement, dans une lutte anonyme, sans sigles, sans signes d’appartenance, sans moyens, sans gratifications ; avec une seule visée : être utile et nourrir 6000 personnes tous les jours. Le sentiment d’estime et de gratitude envers tous ces gens dévoués, devrait être entier de la part du reste de la population française. Une fraction de nos compatriotes a cependant la certitude inverse. Quand je feuillette le bulletin municipal de Mme Bouchart, la maire de Calais : deux articles me frappent, deux problèmes ramenés à une seule solution : « Eradiquez les goélands ( ils saliraient, crevant les sacs poubelles ; déjections sur les toits ) et éloignez les migrants. Dans un cas elle préconise la stérilisation.... des nids et veut chasser les migrants hors de notre vue, au titre du projet en cours : faire de Calais, la Saint Tropez du Nord !
En parlant en ville avec taxis, commerçants, employés de service, on devine que cette politique discriminatoire gêne bien des administrés. On ne sent vraiment pas d’hostilité forte, en tout cas aucun racisme « petit blanc ». Les notables « excédés » sont néanmoins ceux qui font les meilleures affaires (hôtels pleins, commerce apparemment pas atteint : des bénévoles étrangers, des touristes consomment et améliorent les profits hôteliers). Ils profitent de ça pour que l’Etat déclare la zone sinistrée, « en catastrophe naturelle ». Le business as usual ?
Dans le centre ville, peu de migrants visibles ou alors très discrets, ils passent vite de peur de la...fourrière ! Les Anglais viennent nombreux pour la journée : hôtels à eux, une brasserie, un pub irlandais... Ce mélange est très curieux et se vit dans la bonne humeur. Impression que la solidarité internationale a trouvé là un terrain d’élection, un lieu de rencontre et de discussion permanente. J’ai visité un « gare » de triage de la récupération des matériaux de construction, de vêtements usagés, de nourriture, un entrepôt, non loin du port, où s’entassent de montagnes de produits à distribuer. Chaussures bienvenues, habits chauds recherchés. .Les policiers déplacent parfois des groupes de migrants qu’ils abandonnent loin dans la nature ....et prennent leurs chaussures pour les immobiliser. Exclusions dérisoires car ils reviennent toujours
En conséquence, ce ramassage au sein de l’Europe procure habits, couvertures, sacs de couchage, tentes, outils de construction d’abris, bois de chauffage (débiter les palettes abandonnées au port) . Intense activité autour de ces tas en vrac. Une centaine de bénévoles se relaient, l’air heureux malgré la rusticité du lieu et chacun fait sa tache sans disputes et apparemment, sans discussions : une ruche ou mieux une fourmilière où chacun sait parfaitement ce qu’il doit faire et le réalise sans s’arrêter, sans bavarder, sans gêner les divers déménagements. Des équipes d’Anglaises (à première vue : jeunes filles de 20 à 30 ans, motivées, concentrées) vivent sur l’entrepôt dans des petites baraques ou caravanes installées là. Propreté malgré la vétusté. Au sein de ce chaos, on pressent une logique de fraternité, et de liberté par l’action. Un ordre de l’efficacité règne sous le désordre. Impressionnante conviction qui se dégage du fait de l’énergie de la jeunesse inébranlable (recommencer toujours et toujours ce que notre administration et police démolissent). Les Anglais viennent, me dit-on, par roulement de 15 jours en aide intensive. Partout, on entend plus d’anglais que de français ou d’arabe (manque des traducteurs malgré des bénévoles africains). Une authentique Internationale en faveur des damnés de la terre de Calais!
Qu’il n’y ait pas beaucoup de nos compatriotes, hors les volontaires de la région, est regrettable. On ne voit pas d’étudiants, militants de nos universités. Pourtant observer ce cas d’école de concentration de bonne volonté et de collaboration extranationale serait unique. On rencontre de nombreux jeunes journalistes free-lance, photographes, cinéastes ; quelques thésards étrangers recueillant des documents. Une mémoire à construire ? Je le souhaite comme de trouver le futur mémorialiste de cette épopée qui symbolisera longtemps, un moment de l’histoire de l’Europe et de l’Asie-Afrique
Insolites, des convois de camions viennent de l’Europe entière et débarquent leurs marchandises . Une fois les Belges arrivèrent avec 40 véhicules emplis de tous les résidus de la société de consommation (incongruité des contenus: parfois des sous vêtements féminins ou de luxe !) Bien sûr geste maladroit et involontairement « provocateur » pour des hommes depuis longtemps coupés des femmes. Au passage : comment fait-on pour qu’une cohorte de 5000 jeunes gens se contrôlent, soient en tous points respectueux de l’autre sexe, ne le dévisage pas, ni ne pratique invites, ou allusions douteuses ; bien entendu des maffias, (Russes ? très présents en ville de Calais à l’affût d’affaires) ont installé un bordel de « campagne »,
On présumera que la retenue de la part de milliers de jeunes gens coupés de relations féminines, n’est pas uniquement due à l’appréhension de l’expulsion mais, je pense, plutôt à leur culture familiale, une relation moderne entre jeunes des deux sexes : On signale quelques viols aussi.. par des CRS !). Quand on sait la violence sexuelle exercée par nos soldats durant les guerres coloniales –où celle, actuelles, des soldats des forces d’interposition ONU, au Mali, République centrafricaine ,on ne peut qu’apprécier la différence de mentalité et une distinction native, entre une soi disant civilisation et la barbarie, différences qui ne sont pas là où on les croit
J’ai assisté à 2 réunions de collectifs d’aide à Calais- même. Là aussi une bonne surprise : pas de rite ni de bavardage creux, pas de hiérarchie avérée ; pas d’autoritarisme de leader, pas de contrainte sur sujets et temps de parole. Sur la trentaine de militants observés : jeunesse manifeste ; tous moins de 30 ans plus trois ou 4 sexagénaires. Mélange sans problème et sans imposition d’ordre d’intervention ou d’un droit de parole d’aînesse. Tous les participants semblent respecter un temps équivalent à celui des autres. Personne ne monopolise un avis. Là, donc changement total par rapport aux discussion militantes. Peu de conflits de personnes ; peu de polémiques entre associations : il faut être direct, rapide, efficace dans la prise de décision et la réalisation des taches
Cette nouvelle démocratie de base a-t-elle demandé un gros effort, est-elle une contrainte de la situation ?les ego politiques semblent disparus dans une logique d’urgence d’action. Pour celui qui a vécu l’inverse, dans les années antérieures, des mouvements activistes, c’est un événement à réfléchir D’autant plus surprenant que les origines et les caractéristiques de la dizaine d’associations présentes sont variées, incluant des divergences probablement, mais elles n’entravent pas le collectif . Pas de complaisance à soi, pas de valorisation de son propre groupe. Les sujets évoqués sont la diffusion des informations données par chaque association ou collectif pour son secteur au sujet de l’état de santé (par exemple les grévistes de la faim); les répliques à l’Etat et à la police ; les réactions en cours par les personnels et autres actions en cours justice saisie des instances internationales, un recensement de la population. Je résume excessivement 2 h. 30 de discussions. Pour celui qui abhorre la volonté ordinaire de se mettre en avant, la sélection (dureté des actes à mener, conditions de travail précaires) engendre des acteurs réalistes et dynamiques pour qui l’engagement semble aller de soi. On ne parle pas des difficultés ordinairesà se faire entendre de l’extérieur. Tous Volontaires sans complainte, une volonté de se battre contre l’apathie générale malgré l’indifférence des partis locaux et la pression des groupes fascisants
Les interventions portent sur la stratégie à court terme. Les discussions sont basiques et réalistes : résoudrent des cas particuliers ; familles dispersées par la police qui dispatche et ou sépare parents et enfants. Parmi les militants (en majorité de femmes), plusieurs nationalités, notamment d’ avocats et personnels de santé (je n’ai pas vu d’enseignants) se battent sur ce front depuis 3 ou 4 ans (ils étaient là pour Sangate)
Quelques points de l’ordre du jour : les recours, plaintes déposées, enquêtes pour étayer un dossier, affectations par la préfecture des abris et destinations, évacuation des squats ou assignement et l’attribution du papier (demande d’asile) « le fameux papier » qui donne le minimum d’existence face à l’expulsion ou aux menaces policières ( chez les CRS on devine deux extrêmes : tolérance et même bienveillance dans les contrôles ou bien animosité et violences gratuites : un coup de matraque sur la tête sans raison , en passant)
3 Part du compte–rendu adressé : « Aux camarades » ( et à la mémoire de l’un d’eux, récemment disparu à 38 ans : Max Brichet)
Les attentes à l’égard de la démocratie et de la république ressenties au cours de mes discussions avec des militants de Calais, devenus vite des amis (qui m’ont facilité l’accès) s’appuient, -je le dis avec tout le respect à l’égard de leur action-, plus que je ne le pensais, sur des schémas où le rôle de l’Etat reste prédominant. Ils sont étonnamment à la fois très critiques et légalistes. Les recherches de solutions qu’ils poursuivent avec acharnement passent toutes par la justice civile, administrative ou internationale (faire condamner par la Cour Européenne de justice ; l’appel aux Droits de l’Homme) ,bref mobiliser la conscience des élus et des électeurs, s’appuyer tout en les critiquant sur les organes locaux du pouvoir. Et ceci est bien naturel .Premier adversaire : l’Etat, dont l’absence de volonté de solutions humaines aux migrations est manifeste, mais aussi qui représente contradictoirement, le seul et unique remède (à part l’action citoyenne) . Pas d’autre « sortie » sinon la violence pour la violence. Car en face de la force publique et de la loi, il n’y a rien, sinon la violence en réponse; les anarchistes au coup par coup ;; l’extrême -gauche agitatrice qui tentent d’opposer une réponse constructive de féderations d'associations; celle de la république indigne et inhumaine. Entre ces deux extrêmes :pas d’alternative. Apparemment on ne pourrait sortir du piège actuel du manichéisme. Selon l’opinion, si on abandonne le « modèle » du régime démocratique dominant, même pourrissant, on tombe dans le nihilisme ou l’opposition stérile et systématique
Or, il existe des issues qui nous paraissent, à nous, naturelles. De vrais exemples et de vraies expériences sur deux siècles manifestent le contraire du fixisme et de l’immobilisme. Et quand nous leur en faisons part, ils sont surpris. Les idées que nous avons abandonnées, nous, il y a longtemps, à base de clichés, de tutelle de la pensée dominante, de catégories de raisonnement devenues obsolètes, sont-elles trop lourdes à soulever? Entre le système Gauche/Droite qui a pu être un moyen de classement et d’analyse et qui ne l’est plus depuis 20 ans (ou même avant) que faire ? Nous savons qu’il y a d’autres voies. Si on n’accepte pas la république et la démocratie actuellement en vigueur, on tomberait dans le chaos ! Non !il suffit d’inventer, de montrer un peu d’imagination historique ; la pauvreté des idées et le conformisme de débat est déprimante. Tous les volontaires, engagés avec qui j’ai discuté, n’imaginent pas des solutions moyennes. Ils tombent des nues quand je leur dis que nous, notre groupe (c’est-à-dire rien ; personne ; c’est vrai) avons pensé à la transition vers une autre République très différente, mieux adaptée au temps, meilleure en résultats que celle qui s’effondre (qui n’a jamais été convaincante, ex : les épisodes coloniaux) et qu‘une démocratie enrichie peu dépasser celle que nos aïeux ont inventée.
Quand j’évoque les moyens techniques juridiques dont, nous, nous parlons tous les jours et qui nous semblent évidents,ils restent attentifs mais incrédules comme si les jeux était fait depuis 2 siècles, les normes intouchables, les codes, sacrés puisqu’ ils viendraient de « 89 » ! Gauche / Droite même combat : les « gaudro » comme on dit entre nous, confusion des valeurs et des partis. C’est simple, pour nous qui avons pensé le combat G/D comme illusoire depuis la guerre d’Algérie et qui avons esquissé des solutions autres
C’est ce fossé de croyances possibles, le réalisme ordinaire, qui nous sépare des meilleurs militants de Calais ou d’ailleurs, et qui me fait vous dire que nous avons du pain sur la planche, camarades, pour justifier les solutions banales, pour nous, démocrates et républicains, mais d’une autre sorte. Alors Calais m’a fait sentir que nous devions combler le fossé, et redoubler d’efforts de diffusion de ce qui est pour nous si manifeste ; les bénévoles qui oeuvrent et qui sont la régénération au nom de la libération de migrants devraient être pour nous, le premier public. Les migrants n’échapperont au destin funeste que si la conscience politique française est « révolutionnée ». Mais notre aveuglement ne date pas d’hier, il est historique ; le gaspillage de notre enseignement est ahurissant, idem la pauvreté de notre recherche universitaire.
Aux armes, amis, stylos, blogs, exposés publics : le boulot nous attend et commence sur ce bord de France !
La République actuelle est fausse bonne idée, la démocratie est fictive dans les faits et dans les réalisations : il nous faut de la patience, de la pédagogie et accepter le refus de institutions installées, l’académisme, le journalisme que nous vivons tous les jours, en lanceur d’alertes de la médiocrité intellectuelle. Vous savez le sort fait à nos conceptions sur la vie et la fin des républiques qui ne fait pas débat. Vous le savez, camarades : ce chemin clandestin sur le web évoqué souvent entre nous, et le livre quasi collectif ([3] ) qui en est issu raconte les cas vécus de républiques fortes ou faibles, vivantes ou en morts cérébrales. Toutes les innovations ayant vu le jour doivent être connues. Je rappelle quelques inventions de nos ancêtres de toutes nationalités ; représentation élective ou tirage au sort sélectif, choix locaux ou nationaux, contrôle des élus par des jurys populaires ? Des quotas de certaines professions ou certains secteurs parmi les élus ? Droit de vote ou droit à l’accès au scrutin il faut choisir ! Beaucoup de choses ont été tentées et ont réussi ailleurs dans l’histoire républicaine. Nous, on reste bloqué sur notre Révolution de 89. Le suffrage universel doit être revu afin que la fausse égalité « un Homme, une voix » soit atténuée car formelle ainsi que l’éligibilité à base de la fortune et des dépenses personnelles à salarier des agents de propagande. Que soient réhabilités le vote de groupes en collectifs acteurs, et la gratuité de candidature soutenues par des régions ou des professions
La limitation des droits de la propriété, notamment celle économique cruciale imposerait un non droit à l’héritage au-delà de 2 générations ; les portefeuilles d’actions et les fonds hérités seraient plafonnés. Surveillance des propriétés associatives extensives, la propriété privée, elle même, ne peut être sans limites ; celle d’entreprise doit être surveillée (corps d’avocats publics à ce service) ; les directions ne seraient pas de droit divin mais renouvelables par tirage au sort ou issues d’horizons variés ; les groupes de taille mondiale doivent être surveillés et particulièrement la propriété des grands médias et des éditions. Ils nous dictent ce qu’il faut penser aujourd’hui, ce que nous devons croire, comme seules solutions. Notre manque d’imagination créatrice est funeste et nous renvoie aux vieilles lunes dont se servent de piètres opportunistes dans nos organes de pouvoir
Des anthropologues (Jack Goody le plus connu), de nombreux historiens ont étudié les diverses républiques dans le temps et par le monde. Elles ont connu des expériences incomparables et des solutions ingénieuses, riches, aux contradictions parfois fécondes. Nous n’en savons rien puisqu’on ne les étudie jamais en série. Notre ignorance rétrospective est insondable et personne au sommet ne nous aide, ni n’incite, puisque le mot d’ordre de tout pouvoir est le pouvoir en soi. La complexité des cas démocratiques inventés depuis l’Antiquité mérite une réflexion comparative. La diversité des situations mondiales doit faire sortir l’Europe de son enclos frileux
Par exemple :
Le mode de gestion des élus devra être contrôlé par les électeurs : refus de mandats successifs ; mélange obligatoire des professions à L’Assemblée Nationales où seules une quinzaine de professions sont surreprésentées .Chercher des équilibres dans le mélange des expériences professionnelles vécues par les députés et mélange des compétences des élus. Mille solutions et mille suggestions ont été analysées dans le passé et expérimentées Mais les juristes se taisent et c’est les moins bien placés d’entre eux qui parlent. Donc refuser la professionnalisation des politiciens, à vie. Renouveler les écoles de formation à la politique et interdire l’autosélection des élites qui gouvernent depuis 50 ans en puisant dans le même vivier de scolarisation « diplômé ès études politiques » ; de là la sclérose des vedettes en politique ,leur étroitesse d’esprit et leur absence de sens pratique
De nombreuses autres solutions ont été trouvées dans la longue histoire des Républiques -notamment sur le mode de scrutin (ni majoritaire, ni proportionnel par quotas de grands secteurs économiques nationaux). Le mode de représentation : abandon du « Un homme-une voix », au profit des choix de votes multiples, pour des individus en charge de la Nation (actifs/ jeunes parents)
-Sur les modalités de vote : rapprocher les urnes et les bureaux, des cités et des quartiers, les étaler sur plusieurs jours pour intéresser la population qui est actuellement exclue (lourdeur des procédures et immobilisation du lieu de vote). Votes de groupes ou d’associations qui auraient droit de parole au mode d’élection; les urnes sur les lieux de vie et les cités faciliteraient un scrutin adapté au mode de vie. Tout ceci a été expérimenté et a marché au profit de la mobilité et de l’ouverture. Depuis 50 ans aucune idée nouvelle des constitutionnalistes, hors de leur petit terrain, n’a vu le jour. La culture historique s’est étiolée
-Un corps de comptables itinérants comme ceux de la Cour des comptes assurerait la surveillance de la grande corruption et la peine capitale pour les récidivistes. Renouvellement obligatoire des assemblées élues par interdiction de deux mandats (la Constituante l’avait fait en 1791, sinon autosatisfaction permanente des élus)
Notre sens critique est émoussé, les initiatives sont étouffées. Nous avons perdu toute imagination. Cependant l’étendue de l’expertise des diverses républiques, bien sûr toutes mortelles, permettra la réflexion sur forces et moyens, sur progressisme et conservatisme, succès et échecs.
Un répertoire de création d’idées neuves en amélioration démocratique sera ouvert.
A vos tribunes !!
Et Merci à Calais si ce fut le point de départ du renouvellement
[1] Pancarte qui survit dans les ruines « Ecole laïque des dunes ». Quelques graffitis sur ce qui reste de l’ « église » (genre étable de Bethlehem) : « La France se prostitue sur les trottoirs des dictatures du monde »
[2] Anecdote cocasse : avant le départ j’ai fait l’expérience de la menace; allant à la gare avec ma valise, sur le trottoir d’une avenue passante, je me suis porté sans le temps de réfléchir au secours d’une conductrice qui, se garant, ouvre sa fenêtre et se voir dérobée par un homme, de sa bourse, le sac et le portable sur le siège. Elle les agrippe, l’homme tire par la vitre et secoue; je suis à pied, et saisis entre les deux, la lanière tirée par chacun : je demande poliment au voleur de « laisser la dame tranquille ». Je reçois un coup de pied au ventre, genre boxe libre ou karaté, et suis cul à terre. L’homme qui arrache, part en courant ; une leçon : Moi ? Vouloir porter secours à une femme ? Pas deux fois !
[3] Cf.Nos publications, ou celles introuvables telle ; « La mort des républiques » : site Mondialisation et Histoire (Peneff et al.)
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