• Becker m’a donné, involontairement peut-être, l’idée de « biographies cocasses » quand il m’a envoyé son court essai autobiographique : « Grandir et observer à Chicago ». Il s’agissait d’un contre-pied aux habituels matériaux biographiques ; offrir plutôt  les éléments futiles, les événements anodins d’une enfance caractéristiques, non d’une vocation, mais des capacités apprises au travers d’ erreurs de parcours, de changements, bref des bizarreries de toute histoire individuelle ainsi que des contradictions de tout être humain. Au lieu de chercher une rationalité, une finalité à l’histoire de vie, l’adepte de la biographie peu cohérente (voire incohérente) fouille les carrières,regarde les doubles ou triples cheminements et embranchements (chacun a plusieurs cartes en main), la formation erratique, les ruptures. Par conséquent un chaos de libertés de choix plus qu’un déterminisme. Au lieu de sélectionner une homogénéité fictive,  travail des biographes de métier, notre conception  donne en vrac un tas de petits faits de la vie courante parmi lesquels  le lecteur choisit et se fait une idée de l’auteur.  Par ex . Goody aurait pu être aussi bien prof de Lettres, archéologue, diplomate ou militaire de carrière. Il a été 7 ans soldat ; ce n’est pas rien avec des péripéties où il rencontra toutes les classes sociales  (italiennes surtout). Donc pas de linéarité mais une ressource plurielle de vies croisées que chacun traverse.  Faire sa place dans les convulsions de l’histoire, c’est courant, sinon banal mais pas facile. J’ai essayé de cerner ce concept que j’ai nommé  « biographie insolite », utilisé en prodiguant dans ce blog de courtes présentations biographiques  inhabituelles  de Marx, Dunn, Goody etc

    Quel en serait le but ? Sélectionner les détails dits triviaux, qui paraîtraient anodins probablement à un esprit « élevé » au mieux secondaires. Tout ce qu’on ne dit pas dans la « Bio », genre noble, tout ce qu’on n’écrit pas par convention morale, par peur d’indiscrétion (non pas scandaleuse) mais par sentiment d’inconvenance envers les petites choses de la vie, sans lien avec la qualité   intellectuelle, de prestige  ou savante  de « Livre » consacré à un grand auteur. La sociologie et l’ethnographie s’inscrivent en faux contre la tradition littéraire ou romanesque de l’histoire. Nous, nous cherchons le prosaïque, le mineur, sinon le minable, le détail de la vie pratique et surtout matérielle bien plus caractéristique que les poses grandioses ou héroïques destinées au public cultivé. Je me suis  rendu  compte peu à peu  que les choses dites secondaires (notamment les revenus et conditions de vie des parents) le éléments concrets, m’ont le plus attiré dans mes lectures biographiques. En cherchant les détails réalistes et la faible cohérence des choix on perçoit mieux les attitudes qui concerneront plus tard le style de travail de l’auteur –sujet. Que ce soit l’éducation donné à ses enfants, le rapport à l’argent, à la notoriété, ou bien la familiarité acquise dans  les relations directes de classes qui « signalent » ou positionnent un individu dans l’échelle sociale. Les vraies déterminations résident souvent dans les esquisses décalées du « devenir adulte » (autre chose que le croustillant ou le honteux) lesquelles ressortent souvent plus tard, à l’insu de l’auteur de sa propre vie. Comme le fait Goody dans son interview avec Albera au sujet de sa guerre, de sa captivité, de ses évasions qu’il relie plus ou moins à son étrange début de carrière avec leur dose d’aléatoire et de déraisonnable .Cela compense l’excès de sérieux des créateurs,  leurs justifications valorisantes,   leur ivresse de la notoriété.  Toute existence doit être traversée comme une pièce de théâtre humoristique où l’autodérision est le remède contre la vanité d’auteur

     


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