•  

    24/03/2021 : Notes éparses, les Inventeurs et l'Etat.

     

     

     

                Si Clément Ader se veut chercheur indépendant, et s'il redoute l’État financeur, organisateur et planificateur, c'est que le pouvoir risquait de tenir la science en main. Et ceci a été justifié jusqu'en 1945, la science s’appuyant sur le petit capitalisme. Mais après, à l'ère nucléaire, c'est la science, l'informatique et la robotique qui tiennent le pouvoir en main, dirigeant le capitalisme. Cette science a exalté la fibre de la consommation, enrichie et transformée les sociétés sur les 20 dernières années, de telle manière que, ni la médecine, ni la santé, ni la culture ou l'école, n'échappent au devoir de progrès et d’application scientifique et technique, mais également de changement de nos esprits de consommation. Je vois en 20 ans, la multiplication des résidences, des voitures et des consommations de luxes, et je pressens que nos styles de vie nous échapperont que notre culture sera bouleversée, que les médias deviendront fous, que la publicité s’insinuera partout, et que nous dépendrons de plus en plus de la consommation de cette science alliée au capitalisme. Finalement, tandis qu’Ader avait raison de se méfier de l'Etat, c’est de la science qui l’a suivi dont il faut se méfier. 

     

                Je veux relier les deux textes que j'ai écrits au sujet du livre de Brochier et de Lepoutre : un seul titre suffirait pour deux livres différents. Ne demandez pas pourquoi ; demandez comment une république naît et meurt. Les deux approches sont en réalité uniques. C'est de la sociologie historique associée à de l’ethnographie de terrain. C'est la seule discipline qui mérite une place sur l’échiquier éditorial, enseignant, voire académique, de ce qu'on appelle par un grand mot mystérieux : la sociologie. Mystérieux parce que je n'ai jamais vu un tel évanouissement, une telle disparition, une telle absence de réaction d'une discipline dite sociale, qui depuis trois ou quatre ans, ne répond plus aux appels, aux sollicitations, aux exigences d'un esprit de recherche de quelqu'un qui serait un véritable sociologue.

     

    Par exemple, je ne vois aucun socio-ethnologue réagir, exprimer ses impressions, résumer ses observations devant la plus grande expression de peur panique du siècle actuel.

     

    Tout ce que je vois et ressens dans la vie quotidienne, au sujet de l'auto-enfermement, l'auto-confinement, l'éclatement des valeurs de voisinage ou d'amitié, face à une banale péripétie médicale, celle d'un virus parmi la centaine d'autres qui nous affectent chaque mois [ ? ]. Cette consternante auto-exclusion, cet effondrement de l'intelligence sociale, sont les phénomènes ahurissants que toutes personnes sensées ressentent en regardant autour de soi en ce-moment. Alors que les comportements publics, les relations immédiates, et la vie quotidienne, ont changé en quelques mois, cela s’oppose aux idées d’inertie, d’immobilisme, de lenteur des changements des conduites partagées quelques semaines, uniquement parce que notre histoire est emplie de Grandes Peurs sous la Révolution. Bien d'autres événements historiques auraient dû nous avertir des faiblesses, des failles, et des capacités d'auto-élimination que notre régime social et politique incarne. La disparition en quelques jours de nos certitudes devrait nous être présente à l'esprit puisque chaque génération en connaît au moins une dans sa vie. Récemment, on a eu les grands exodes de 1940, les tremblements de terre que furent les changements de régime, les occupations, et finalement la défaite et la victoire, tout ceci en une dizaine d'années.

     

    Mais plus récemment, notre génération née entre 1940 et 1950, a connu sa propre révolution intime, sa propre capitulation de l'esprit de droit et d'action morale, en face du drame algérien. Qu'on ait conduit quelques centaines de milliers de jeunes à se confronter du côté du mal, de la torture, de l'occupation, à imiter les conduites de ceux qui avaient pourchassé nos parents, que cette confrontation donc n'est pas été étudiée, analysée, diffusée, en tant qu'histoire, sociologie, ou observation participante, restera une fois de plus un grand mystère de l'enfermement de la science sociale, et un grand mystère de la conscience publique.

     

    Que personne n'ait vu arriver ce virus me semble un mystère, une surprise, puisqu'en réalité il touche régulièrement nos sociétés.

     

    Mais l'enseignement, qui est une forme de fuite devant le réel, s'est enfermé dans des chapitres, dans des tournées de conférenciers, dans des manifestations de célébrités, pour refuser le réel et pour rester aveugle au nom de la Vérité, de l’Éternité et de la Raison.

     

    L'enrichissement général, le boom récent d'extraordinaires inégalités, l'abêtissement vers lequel on dirige la jeunesse, la perte du sens des autres, le recul de l'observation et du regard social large, tout ceci aurait dû depuis 20 ans nous avertir de l'abîme vers lequel nous courrions. La fuite devant leurs responsabilités intellectuelles, de la part de nos hommes politiques, journalistes, médias, profs, représentants du peuple, restera un grand mystère de mon époque. Sur lequel j'étais tout de même averti par l'aveuglement dont mes aînés faisaient preuve devant les terribles réalités des guerres coloniales que notre génération a dû mener.

     

    Donc, l'obscurantisme des années 50 et 60 aurait dû faire écho à l'obscurantisme des années 2000 et 2020. Mais je regrette de n'avoir entendu aucune Voix historique qui, depuis « Londres » ou ailleurs, nous aurait appeler à la vérité et à la résistance à l'encontre de cette peur panique du siècle, celle du Covid-19.

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :