•  Les vœux à F. Hollande de l’ermite

     

     

     J’étais impatient de connaître l’avis de mon ami l’ermite sur des questions cruciales. Il déblayait la neige au seuil de sa porte à coups de pelle.  « Alors vous revoilà ; qu’est ce qui vous amène ? »

    -Moi ? J’avais envie de me changer les idées et   revoir votre montagne perdue !

    - Eh oui, me dit-il, la neige s’est invitée à Noël et elle ne nous quitte plus, après cet automne si clément.   Je vous adresse mes meilleurs vœux et pour copier le Premier Ministre grec qui souhaita à son peuple « une année de non faillite », j’espère pour vous une année de non cancer, de non dette, de non crise.. Bref une année à la mode ; celle des vœux négatifs . J’étais justement en train de lire un livre.

      - Je le feuilletai et je lui dis : « Oui je connais l’ouvrage de ce grand libéral, adulé aux USA, un père fondateur de la sociologie française ... En réalité, je suis venu car j’étais las du feuilleton de Noël. L’Affaire des prothèses mammaires. On n’avait parlé que de ça pendant les fêtes ; les télés avaient exhibé les images de cette escroquerie (hélas ! bien triste pour les femmes atteintes d’un cancer dont le besoin de chirurgie réparatrice est incontestable). Après, les autres, jeunes ou non, opulentes ou non, obsédées de leur apparence, devront se faire poser une rustine pour stopper la fuite. Avait été comique la façon dont les journalistes, soupesaient, pétrissaient, malaxaient gauchement l’objet du litige sur la table du JT. Certains animateurs, plus maladroits que d’autres manipulaient la prothèse, incertains sur la bonne façon de la tenir. Cela ressemble à de la pâte à tarte, me disais-je, tandis que mes enfants pensaient davantage à une méduse. Vous avez vu tout ça ?

     

    -J’espère, oui ! Nous serons le seul pays où les contributeurs de la Sécu (dont les pauvres) compenseront généreusement ce rafistolage afin que les séductrices   soient toujours dans le fleur de l’âge et fassent pâlir d’envie celles qui se contentent de la manière dont la nature les a faites. L'apparence corporelle, la beauté, le plaisir des hommes n’ont pas de prix, ni de limites. Indignez-vous Mr Hessel du sort fait à nos compagnes.  Cette escroquerie de chirurgie annonçait une grande année qui commençait en fanfare : le scandale médical du siècle, avant le prochain dans quelques semaines. La Sécu, bonne fille, enveloppera son coût dans son emballage annuel de dettes et nous emprunterons au bonheur de l’implant. Rappelons que la moitié des prélèvements obligatoires, des charges sur les salaires, sont produits par notre assurance maladie qui profite largement aux plus riches salariés et fortunés.  Les misérables du Tiers monde, par le biais de leurs exploiteur- affameurs, prêteront à la CNAM la part de salaire prélevée pour une si noble cause. Il est vrai qu’on trouve toujours un plus sot que soi pour refiler la note de l’esthétique de notre civilisation. D’après Rocard, ce jeune socialiste que les journalistes sont allés sortir de sa retraite, la faute en est à la BCE, aux euro-bonds qu’on nous refuse, au rachat de nos dettes. Cette Allemagne est une vieille dame bien avaricieuse et versatile.  La BCE n’a qu’à payer, emprunter puis nous prêter à taux  zéro  ou  fabriquer des billets !  « C’est un scandale » disait  G. Marchais  

     

    -D’ailleurs : Qui est ce nouveau  Monsieur Lemarché dont j’entends parler sans cesse ou  cette bande des « Lesmarchés » ? Je ne les connais pas personnellement ; personne ne les a  vus mais leur fantôme nous hante . Avant, ils étaient de nos amis, nos bienfaiteurs même et maintenant ils sont démoniaques. Tout ça est la faute de la commerçante. Elle a l’air d’une épicière, « Chez Angéla », qui veut nous serrer la ceinture ; eh bien !  Qu’elle maigrisse d’abord; il paraîtrait que c’est un Bismarck en pantalon.

     

    - Non franchement : ce n’est même pas Mme Thatcher ! Bismarck ; oui ça, c’était un chancelier à la pogne de fer. Vous êtes trop jeune pour le savoir mais il avait harcelé Marx pour qu’il devienne un agent à lui, un informateur grassement payé. Bon, ça n’a pas marché : ce vieux Karl était têtu comme une mule. Mais il eut plus de succès pour convaincre Bakounine de manger à deux râteliers ( lui, il avait l’excuse,étant gros,  d’avoir des besoins). Notre Gauche a la main lourde avec les comparaisons et le jonglage avec des boucs émissaires est dangereuse: les immigrés, les Chinois qui esclavagent leurs enfants, les banquiers anthropophages, maintenant les Germains.  Le simplisme d’idées des journalistes politiques est affligeant C’est là qu’on voit la médiocrité intellectuelle des présentateurs commentateurs, essayistes auteurs,  membres ou invités   des chaînes de télé et radios .

    -Comment ont-ils fait pour descendre si bas ? Notre voisin.... 

    -Notre voisin Allemand est pingre : c’est simple !

    -Imaginez une rue avec deux sortes de commerçants ; les uns économes prospèrent, ouvrent plus longtemps leur boutique, vendent plus, sont moins endettés tandis que d’autres travaillent moins, négligent leur productivité (là est la question ; pas celle de la durée), dépensent davantage en administration et se montrent insouciants.   Le paresseux vient voir et le dynamique et lui propose un marché On mélange les dettes, on fusionne les économies et on va voir le banquier ensemble pour faire un emprunt commun : « Mr le banquier, prêtez-nous; nous avons décidé de mettre nos finances en accord et mêler nos  déficits». La commerçante allemande   est circonspecte : « Qu’est-ce que ce nouveau système inventé par ces voisins roublards  ? » se dit l’épicière  méfiante de cet arrangement vendu par notre  Président, le bonimenteur de rue ! 

     

    - Ce n’est pas un complot international de la finance ?

     – Il ne faut préjuger de rien.   Mais l’avenir de l’état « Providange » est compromis

    - Etat - Providence vous vous voulez dire...

     -Non réellement vidanger les caisses ; les profiteurs de la Providence sont depuis 20 ans une poignée d’assurés. Mais chut, il ne fallait pas le dire. La complicité se manifesta entre tous les partis .La moitié des dépenses de santé, la moitié de la dette de la Sécu est imputable à 5% des malades. Les plus riches, les plus grosses fortunes, les patrimoines consomment à eux seuls la moitié des dépenses des retraites, de l’assurance chômage .Une infime minorité vide les caisses dans la légalité la plus absolue en faisant jouer l’égalité formelle et la démocratie des principes. Que font les Français ? Ils ferment les yeux. Une partie d’entre eux disent : la dette ? Quelle dette, moi je ne souffre de rien ! Une autre dit :  « C’est pas moi, c’est l’autre, le banquier, l’immigré, le politique élu »! Faillite ? « Ah !je ne savais, moi j’ignorais tout. On m’a rien dit » répond l’autre. Si !! Mais vous ne vouliez pas entendre ; ce qui est confondant est qu’il n’y pire sourd...Alors qu’il fallait être vigilant et anticiper.

     

    Avoir un coup d’avance

     

    -L’absence de prévision est   déplorable. Je me souviens, vous aviez prédit le résultat du 21 Avril 2002 et vous aviez été très étonné de la sidération générale, le soir de l’élection .Mais vous, vous n’aviez aucun mérite. Bon, c’est facile pour vous ! Vous vivez en milieu populaire, vous êtes en contact quotidien avec la population. Mais les sondeurs, les pauvres, ne voient personne en dehors de leur milieu et de leur « science », si c’est une  habile façon d’appeler leurs intérêts immédiats, scientifiques.

    -Oui ; on devrait demander la démission des sondeurs, commentateurs, journalistes qui se trompent régulièrement et qui de plus en jouissent. L’inconscience et l’irresponsabilité sont plus graves à laisser proliférer que l’incompétence qui se combat. Pas de progrès pour l’élite scientifique ou industrielle, en vue de l’amélioration de notre compétitivité, si l’élite politique, elle, demeure ahurie, si elle ne  se renouvelle  jamais. Toutes les élites sont liées, elles évoluent ensemble.

     

    -Ne pas prévoir aujourd’hui c’est perdre demain. Or, il y avait neuf chances sur 10 que Jospin ou Ségolène Royal perdent en 2002 et 2007.  Ça sautait aux yeux ! Maintenant ils se s’accrochent qu’à ce souvenir malheureux , paniquent tandis qu’il y a 9 chances sur 10 que Hollande soit vainqueur. Ils ont la trouille du résultat, sont absolument fébriles alors que tout se jouera dans les douze mois ultérieurs

     

    - Prévoir, Pressentir, Préparer l’après 22 avril signifie en politique anticiper l‘affrontement inévitable de demain.

    -Facile à dire mais comment ?

    -Soyez attentif à la recomposition de la droite qui s’esquisse. Ce sera intéressant de voir en combien de blocs, elle éclatera après sa défaite.  Et quelle sera la forme de son extrémisme fascisant demain ? Il y aura trois blocs de réacs !

     

     

    Les trois Droites. 

     

     

    -  Des réacs, on en trouve dans les deux camps. Tous le gros (et petits) propriétaires, les détenteurs de substantiels patrimoines à transmettre sont des conservateurs Des ouvriers, peuvent l’être.  Le conservatisme des possédants ne   transformera forcément en réactionnaires mais quelques–uns si ! Où sera le réactionnaire demain ?

    1) Dans la droite populaire qui a compris que les classes moyennes pauvres sont plus nécessiteuses que des catégories populaires, surtout des fractions qui sont propriétaires de leur logement. La possession de ce dernier devient cruciale ; le critère est qu’à 40 ans passés, si la moitié de votre salaire va au loyer, votre famille ressent le déclin  qui  la ronge. Au XIXéme, les ouvriers apparurent d’authentiques réactionnaires   aux yeux des libéraux quand ils cassaient les machines, exigeaient le protectionnisme ; la rébellion des luddites anglais s’opposaient ainsi  au progrès en  stoppant l’inflation, le chômage et en  manifestant  l’anti-bourgeoisisme. En prenant en compte ce mouvement, la droite de Marine le Pen, astucieuse, est devenue sociale et populaire 

     

    2 La seconde droite, massive, celle de l’UMP, éclatera en plusieurs morceaux. Cela a commencé.  Une partie se fascisera comme elle le laisse entendre dès aujourd’hui. Ses hommes en pointe (Guéant, Hortefeux, Mariani, Copé...) rejoints par Sarko, du haut de ses ergots, rancunier, hargneux, fort de ses 16% au premier tout (le suspens est là :  sera-t-il  en 3è ou 4è position ?).  Cette droite rejoindra, dès les législatives, la droite populaire pour former un bloc d’irréductibles adversaires. Et ils gagneront les élections suivantes.

     

     3 Enfin la droite nationale, catholique, humaniste, issue de bourgeoisies horrifiées des déviations sarkosyennes constituera probablement un centre modéré. Deux hommes chercheront à s’y illustrer. L’un, le cavalier immaculé, gesticulant sur son cheval et l’autre sur son tracteur, le dégingandé amateur de Napoléon et l’autre rond, à l’image des deux héros de Cervantès :Villepin contre les moulins à vent et Bayrou qui  incarnera la sagesse et la bonhomie béarnaise

     

    - Vous avez raison : les conservateurs deviennent réactionnaires quand ils ont peur, donc dans les époques cruciales. Rappelez-vous le passage du livre que vous lisiez :

    «C’est alors que je vis paraître, à son tour, à la tribune un homme que je n’ai vu que ce jour-là mais dont le souvenir m’a toujours rempli de dégoût et d’horreur. Il avait des joues hâves et flétries, des lèvres blanches, l’air malade, méchant et immonde, une pâleur sale, l’aspect d’un corps moisi, point de linge visible, une vieille redingote noire collée sur des membres grêles et décharnés; il semblait avoir vécu dans un égout et en sortir; on me dit que c’était Blanqui ».

     

    - Oui, Tocqueville en 1848 est tombé bien bas, il a quitté le masque des convenances ; je note le bon goût de sa description, le fanatisme, et plus que le mépris, la haine de classe. Il faut s’en souvenir quand on fait crouler cet homme sous les hommages républicains.

     

    Hollande et les 7 nains du PS

     

    - Selon vous, alors, le PS serait un parti trop « innocent » pour faire face aux événements ? C’est vrai qu’il paraît usé, suranné, vieillot. Aubry et ses nains semblent un boulet laissé là en souvenir du siècle finissant. Ils croient aux contes de fées. Or, l’année 2012 sera cruciale. Remboursements accélérés; note de la dette dégradée deux fois. Hollande sait que la gauche ne tient que 2 ans en général.  Depuis un siècle et demi, après, elle démissionne ou trahit ses objectifs. De 1848 à 1850 ; de 1936 à 1938, de 1981-1983 ce fut toujours vrai. Hollande gaillard et optimiste soutenu par une cour nouvelle, s’imagine finir sans histoire son mandat. Pourtant après la période agitée d’arrivée au pouvoir, les faillites et les premières déceptions, il y aura des manifs des cadres de la banque et des affairistes aux Champs-Élysées, soutenus par ceux qui se préparent déjà la contre-offensive. Les classes moyennes pauvres sont excédées d’être confondues avec les classes moyennes aisées. La morgue, cette confusion les irritent, de même qu’on confonde leurs actes politiques telle l’abstention volontaire dénoncée comme « populisme ». Alors qu’il s’agit d’une révolte de l’écœurement  

     

    - Il est vrai qu’en analysant les périodes révolutionnaires, il faut apprendre de la contre-Révolution qui suit inéluctablement. En 1794 les deux événements ont la même durée : Mai 1789 à Juillet 1794 (9 thermidor), la gauche et les Jacobins décapités. Ils ont tenu 5 ans et 4 mois. Se met en place alors un régime réactionnaire avec parfois les mêmes hommes (par ex. Sieyès, Fouché), une répression tenace, un terrorisme de droite après la grande Terreur. Elle opère jusqu’ en 1799 novembre (18 Brumaire). 5 ans et 4 mois, le balancier de l’Histoire a été précis. Après, c’est autre chose : une aventure individuelle, une dictature populaire, des libertés suspendues, un régime laïque et un mélange de régression et d’ascension de classes. Des guerres illimitées. Napoléon après Bonaparte. Nous aurions intérêt à nous souvenir de cette période car les turbulences risquent d’être du même ordre de confusion. Il faut toujours anticiper la réaction, la contre-révolution.

     

    -Alors, s’il vous plait, Mr Hollande, méditez les deux exemples de Président de la République qui ont ouvert  légalement la porte au fascisme : de Pétain et celui des colonels et généraux d’Algérie révoltés contre la république :

     

    Et l’ermite de réciter :

    « M. Coty, M. Albert Lebrun avaient été l’un et l’autre, et très à loisir sélectionnés par des assemblées hautement représentatives et démocratiques. Dès lors, ils ne manquèrent pas de présider des concours hippiques et de promener avec dignité le roi ou la reine d’Angleterre en bateau–mouche, voire de panacher des majorités changeantes. Mais maintenir la France envahie et vaincue, parmi les belligérants , arrêter -malgré l’opinion publique- une série de guerres coloniales sanglantes, injustes et perdues d’avance, mater sans armée une révolte de l’armée ; un très vilain jour, ils eurent à le faire et ne le firent pas. A vrai dire, ce n’était point là besogne d’homme politique, mais besogne d’homme d’Etat. Et un homme d’Etat ne se sélectionne pas sur diplôme (M. Albert Lebrun était sorti premier de Polytechnique), ni sur un programme mais sur des actes. Nous attendons d’un homme d’Etat qu’il soit prudent quand il faut l’être, et audacieux quand la prudence n’est plus de mise , qu’il sache aller vite et qu’il sache temporiser –bref que, dans un danger pressant, il adopte la conduite qui sauvera tout ce à quoi nous tenons le plus ». (Germaine Tillion, Combats de guerre et de paix p 391).

     

    Je vous fais une lettre, Monsieur le Président, que G.T. vous adresse de l’au-delà et que vous lirez peut-être si vous avez le temps. Souvenez-vous de sa recommandation !

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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