• complexe de supériorité

                                     3 La déconstruction de nos certitudes et de nos illusions
    .  L'auteur M El-MIRI  raisonne à partir de faits observés directement ( le nanoracisme  c’est-à-dire les petits faits inconscients » Parmi eux  ,à l’encontre des stéréotypes caricaturaux  l’un  est frappant : l’imputation que leur force physique au travail  des noirs migrants est associée  à leur scolarisation médiocre et à des capacités intellectuelles   faibles.  Le désintérêt social général pour les travaux manuels et les taches pénibles  entraine leur délégation inévitable à l’égard des migrants, qui seraient inaptes à du travail qualifié .Tel petit  patron  est ébahi que l’un d’eux parle anglais ( il lui traduit la notice d’une machine  en panne)  ,qu’il  sache écrire…etc ! Les compétences cognitives seraient inconcevables  puisque: «  grands enfants" ils ont au mieux  une faible réflexivité ; tout cela est implicite ! Or  pourtant ils sont nombreux  à arriver  en tant que bien scolarisés, souvent  polyglottes  parfois avec  des diplômes universitaires 
     Cela  peut être aisément justifié. Et c'était ce qui m’avait frappé lors de mon enquête dans la jungle de Calais : les Bacheliers n’étaient pas rares ( surtout  issus du Proche-Orient). Contrairement à  notre ignorance à leur égard ,eux arrivent informés et   ont préparé leur voyage .Qui exige argent, compétences d’organisation et  prévisions .  Ils savent qu’ils ne doivent pas apparaître comme des rivaux potentiels sur les emplois  moyens  ou intellectuels. D’autre part, contrairement à l’image   convenue ,  ils ont organisé leur passage de la mer et ont prévu des points de chute .En tous les cas ils ont intérêt à "sous-déclarer" leurs compétences pour ne pas apparaitre comme concurrents possibles   sur le marché  des qualifiés
     L’image médiatique  et l’impensé social  les perçoivent comme   des épaves "flottantes"  , inertes,  sans plans  ou informations sur ce qui les attend  . Cependant ils sont   très « modernes »  : ils ont planifié les transferts maritimes , ils ont les adresses des passeurs professionnels sérieux.  Les circuits de la migration sont  très divers. Toutefois  puisque leur autocensure  réussit et que personne ne cherche à les connaitre,  il profite de notre  désinformation . Ils acceptent  que leur critère  « race » s’ajoute au discrédit de « classes laborieuses » , celles qui n’auraient pas « d’aptitudes intellectuelles suffisantes ». Préjugés qui affectaient  déjà les ouvriers  instruits qui débarquaient dans les grandes villes pour remplir les positions les plus  ingrates. A la fin, les migrants subissent une triple discrimination, celle de la condition de vie et de logement,   celle  de l’exploitation  au travail ( postes  pénibles et salissants, salaires inférieurs,  non couverture sociale,  absence de droits )  et celle de force de travail  non défendue syndicalement, livrée à elle-même, considérée à  la limite de la légalité : en tout cas la  stigmatisation dans la ville ou dans la vie quotidienne  s’ajoute  à l’absence de solidarité syndicale
    Le  racisme avance masqué  et on en décèle  les détails  dans le récit de M. Em-Miri dans l’accueil qui leur est fait au Maroc ,  en Andalousie,  et en France  ou  plutôt  les divers racismes qui se superposent ( vie quotidienne, rue, travail, voyages )   sans  parler de sa démonstration  des différences subtiles entre racismes  nationaux et  de la  persistance des « stigmates » invisibles dont  celui de la  pathologisation  ( ils seraient  porteurs la peur des « maladies  africaines»).

    L’imprégnation  de nombreux comportements du quotidien  affecte les   Français démocrates les plus sincères. Le racisme est intériorisé dès la naissance comme un attribut aussi « collant » que le fait d’être Blanc.  « La littérature « Noire » des plus grands auteurs ( Fanon, Césaire Mmembé)  souligne que ceux qui  sont libérés de préjugés,   ne peuvent  s’en détacher  car ils ne peuvent échapper à l’héritage social  qui les imprègne.  Ce racisme ambiant est une seconde peau blanche qui permet la paix sociale (travaux  repoussants  destinés aux  migrants  et  infériorisation des statuts des hauts  qualifiés  embauchés) . Ce mécanisme universellement répandu en Europe a permis à nos sociétés libérales   riches de  destiner les travaux les plus durs à des catégories non « ouvrières », notamment  le travail au « noir »( image qui parle par elle-même),  le travail caché  et précaire, à des catégories  d’émigrants. Notre héritage colonial est difficile à éliminer car il est partie prenante des institutions, intériorisée dans toute notre culture et à l’école. La décolonisation des esprits est une tache surhumaine dans l’état actuel des rapports de Nations.

    Mécanismes de reproduction sociale et reconversion des schèmes colonialistes dans nos représentations contemporaines sont indissociables
     C’est pourquoi ici on peut associer en histoire politique, la « désouvrierisation»  actuelle , c’est-à-dire la disparition de la "classe ouvrière" ( en fait délocalisée et exportée vers les pays asiatiques et africains : qui n’est pas la disparition des ouvriers qui se maintiennent),  aux déplacements démographiques  et  réactions qu’ils provoquent. Alors que tout indique en politique que « race » remplace en valeur heuristique, la « classe » en Occident,  dans les luttes et les conflits internes , personne ne peut voir  que dans l’histoire des migrations, celle des  Blancs, colons ou marchands,  contre celle des « indigènes »,  le passé  n’est  pas qu’affaire de balancier  surtout avec l’Afrique en tant que continent  qui est celui de la  mauvaise conscience de notre Histoire.   Sans oublier que chaque continent a reçu sa part de violence et d’oppressions , l’Afrique devrait avoir une part spéciale  dans notre attention  car nous sommes profondément débiteurs de celui qui fut le plus exploité, abimé,  et aujourd’hui négligé  dans  la grande  Histoire des échanges (hommes, produits et richesses naturelles) : colons  ou marchands contre  manœuvres, esclaves,  sur 5 siècles de domination continue  du fait de la  supériorité armée  détenue par l’Europe et de sa proximité géographique ( à laquelle L’Asie a en partie échappé). Non la décolonisation des esprits   occidentaux, la rupture avec l’héritage colonial, la révision de l’inconscient dominateur  n’ont même pas commencé ; elles   prendront des dizaines d’années avant d’être extirpées, nettoyées de représentations négatives concernant les « indigènes »  devenus actuellement  migrants.   Ils auront besoin de beaucoup de ténacité de courage et de détermination -car ils auront de nombreux disparus sur la route- pour ébranler les barrières érigées depuis un demi millénaire, dans ce bras de fer avec l’Europe racialement conservatrice


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