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    Racisme ambiant  et  fondation de  l’Histoire en « l’Occident »

     

     Au long de la démarche ethnographique de l’auteur Mustapha  El-Miri  (univ de Provence) au Proche Orient, en Afrique du nord  et subsaharienne , l’auteur démonte  les diverses situations  intriquées et obscures , les formes, les variantes du racisme,  essence de l’Occident qui s’expriment .  Grâce à l’observation directe et une forte érudition  il  décrit des faits vécus ou lus dont il tire les  conclusions au sujet du racisme contemporain,  qui se manifeste  sous des formes à peine neuves après 5 ou 6 siècles Il prend notamment le racisme anti-Noir  comme  principe fondateur,  ciment d’autres  racismes  depuis la Traite jusqu’aux migrations auxquelles l’Europe fait face de la manière  qu’on sait. Il nous conduit à concevoir le racisme comme une catégorie structurelle qui justifierait   la plupart des mouvements démographiques
    1   Le racisme noir occidental fondateur des autres racismes ( antisémitisme ,islamophobie, etc )
     Si le racisme a été universel à partir du moment où il y a eu conquête d’une population par une autre,  il est cependant multiforme  dans notre histoire  ( visible depuis  au moins  Christophe Colomb ),au  moment où   sur les autres continents toutes les populations  de natifs ont vu arriver sur leurs côtes,  particulièrement  en régions riches en terres,  minerais ou métaux précieux, des centaines de migrants « Blancs »  qui  deviendront des millions, déferlant par mer  terre  ( Afrique ,Asie, Australie, Amérique du nord et du sud) . Et tout à coup les autochtones se découvrent « Noirs » « Rouges ou « Jaunes »   selon  la désignation de leurs « visiteurs » Blancs. Attitudes multiculturelles qui façonneront une civilisation   et les mentalités des exploiteurs de ces    autochtones  ( style le petit Blanc)
      L'explication et les étapes historiques sont indispensables pour saisir la division interne, « naturelle », que  des sociétés qui s’  appuient sur la force inégale des armes détermineront  la durée de la domination. Classements et  catégorisations de « couleur » sont indispensables pour saisir  des  jugements  et des incompréhensions  consubstantielles  à toute la culture occidentale  Elles allaient déterminer des infériorisations,  des exploitations,  des déplacements forcés qui  survivraient  pour  réaliser   le socle  qui construirait nos conceptions profondes,  nos jugements historiques,  politiques et intellectuels  ( y compris dans les "sciences sociales"). C’est ce qu’avait esquissé Jack Goody dans Le vol de l’Histoire . Il s’est battu contre cette conception de l’écriture historique :«  Comment  l’Europe  a imposé le récit de son passé  au reste du monde »  ( sous-titre) a été son  livre le plus important,  un  grand pas en avant des  dernières années sauf en France  bien sûr où il a été ignoré malgré  sa traduction récente. 

    C’est-à-dire :d’abord on « fait » l’Histoire » (conquête, traite, esclavage, imposition d’une nouvelle religion,  transfert des richesses locales ) et  ensuite  on « l’écrit ».

    Cette façon de voir le passé   chez Goody  démolit les  préjugés de l’ histoire  académique classique . Il  rend justice aux études des meilleurs intellectuels locaux qui récusent ce qui fut écrit par les Européens sur leur société. Il combat  les  concepts scientifiques  en faisant appel à   de nombreux faits sur deux siècles . Ses références factuelles:   300 auteurs anglo-saxons  et une trentaine de Français qui prirent   un point de vue  non conventionnel  et ont contesté  l’ethnocentrisme des sciences  humaines .

    Quand les arguments racistes prirent-ils le pas sur la justification économique par rapport à la force  pure de la domination ?  Notamment quand les armées partirent et  que les colons restèrent ,et  légitimèrent leur présence  grâce aux théories biologiques  de la fin du 18è quand on déplace de force les  dominés et  qu’on les transforme en e soit en esclaves, soit en travailleurs forcés.  Goody suggère que  les théories de la domination naturelle des Blancs ont affecté toute la culture et toutes les attitudes, y comprises progressistes  et bien sûr les  idées religieuses ;  en en faisant  des convictions profondes, intériorisées et même parmi les plus engagés dans la libération   y compris les marxistes qui ont perçu les conflits de classe comme  premiers ; notamment  les intellectuels des sciences sociales et politiques du 19è et 20è.  Devenues naturelles au bout de 3 ou 4 siècles, ces convictions  n’eurent pas besoin  de longues justifications.  Selon  Goody ,  les idéologies écrites et raisonnées socialement,   n’eurent pas  besoin  de discours , ni de proclamations ou de récits  justificateurs ; elles devinrent innées   au point que les esprits les plus engagés, les révolutionnaires du XIXè manquèrent ce débat. Ce fut la remarque que de nombreux intellectuels Noirs  ou métis  adressèrent aux marxistes  (ainsi  lors de la lutte des Noirs américains pour les droits civiques) Ce sont ceux-là que la lecture de MEM remet au jour.
     Quel rapport   a ce combat de quelque  historiens  et anthropologues isolés au 20è avec la thèse de MEM ici étudiée ?  Justement il apporte de l’eau à ce moulin-là ,en   fournissant le matériau de l’ethnographe ou du sociologue d’observation participante  au sujet des formes subtiles et  diffuses du racisme  par rapport à l’exploitation de  la force de travail et la non reconnaissance de Droits. C’est pourquoi le racisme est  plus multiforme, plus enraciné  que l’aliénation au travail dans un rapport de race avant de classe. Il suggère que le racisme « méditerranéen » actuel (des pays du pourtour) est fait  de différenciations fines que seul l’ex-colonisé qui « transite », ressent.  Il montre les nombreux visages de ces   racismes : celui de pouvoir et d’institution bien sûr, mais aussi celui, privé des témoins, passeurs , aides et employeurs .  Le racisme corporel n’est pas la même chose de part et d’autre de la mer, le racisme de langage   est également distinct chez l’Arabe, qui voit transiter ou  chez l’Espagnol ou celui du Français méridional.  Les comportements racistes varient aussi selon le lieu, le moment et le style de comportement à leur égard   dans la cité, Ils ont imprégné la culture de voisinage et la moindre sociabilité ; ils ne sont pas saisissables pour la majorité des intermédiaires ou des observateurs extérieurs. Cela s’explique aussi par l’ancienneté du contact  et par   la durée du séjour  oula réussite du migrant   au contact de l’étranger.
     L’essentiel est de retenir que la culture occidentale ( et en partie aussi l’arabe)  a été imprégnée pendant de siècles de domination, de  représentations inconscientes inculquées par de nombreux biais  . Il est impossible de les percevoir de l’extérieur,et  de  concevoir comment elles sont reçues  Aussi les pages  de  El -Miri qui les  décrient sont riches en petits indices probants.

    Contrairement aux formules de l’ethnocentrisme classique ou de l’égocentrisme social,  celles du racisme institutionnel  consubstantiel  sont le filtre  à travers lequel  se construisit  « l’Histoire du monde ». Cette progression jusqu’à aujourd’hui est essentielle pour analyser   les étapes de la migration au XXè et XXIè et comprendre l’intériorisation par l’émigré actuel, de ces formules  historiques cumulées  qui le conduisent à travers  des « accueils » différents au long du périple à assumer au moins  plusieurs « identités » infériorisées   distinctes
      Avec ce cadre analytique en tête,  El-Miri  mène  une enquête  par observation directe  des diverses étapes   du déplacement  de Noirs à travers le  Sahara, puis le Maroc  et l’Europe du sud.  Il met en évidence les simplismes  de la construction ( et l’efficacité) d’un racisme anti Noir à chacune de ces étapes   au long de la traversée  (désert, pays arabes,  puis passage de la mer et rencontre avec l’Europe).  Ces migrants « noircissent » si on peut dire, au fur et à mesure des pays qu’ils traversent, se découvrant de plus en plus noir  au cours de la rencontre de l’émigré avec diverses acculturations. Tout cela  lui demande une gymnastique subjective imprévue, tissée de nombreuses ségrégations et discriminations du monde arabe vis-à-vis des subsahariens jusqu’à l’indésirable en Europe. Chacun des racismes au long du voyage   se construit sur des bases nationales   et le migrant doit découvrir, progressivement, l’intégrale altérité : couleur, statut, éducation, critères  assignés par des sociétés  qui présentent à leur égard,  des manifestations ambiguës  dans l’échelle de valeurs, allant de la désignation par la couleur de peau   aux imputations d’infantilisme,  pi bien d’ intelligence primaire, necesairement associées au  statut de quémandeur. A l'évidence  il   y a de nombreux barreaux   à descendre dans l’échelle du racisme tout au long de son périlleux parcours


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