-
Migrations
Il vient de sortir un petit livre collectif dont en fait l’auteur principale est Mustapha El Miri, aidé de Delphine Mercier et Kamel Doraï.
Il sera peu lu : c’est regrettable car c’est un excellent petit travail, modeste, effacé, prudent, toute les qualité des auteurs, bref.
Ce livre rappelle à travers un incident la crise du Liban et les réfugiés syriens au Moyen-Orient la question de la réception de l’accueil et de l’orientation des gens déplacés en situation de guerre est une situation banale et ordinaire qui relève de l’histoire de toute l’Humanité.
Les gens migrent, bougent, sont persécutés, chassés, réfugiés, et s’organisant ailleurs quelquefois en prenant la place des derniers occupants.
A travers une étude de cas, les syriens réfugiés au Liban ou dans les pays limitrophes ont demandé l’asile, on leur a refusé généralement, mais ils se sont installés et imposés.
Donc dans ce petit livre sorti en 2023 par Mustapha El Miri et al. toute la question de la population des continents et des pays est posée. Le mouvement, la migration les guerres et les expulsions ont été le propre de l’histoire de l’Humanité.
En 2023, Mustapha El Miri fait le point sur l’attitude des européens à travers la première grande vague de circulation de réfugiés et d’expulsés qui s’est passé autour d’Israël, du Liban et de la Syrie, bref, de tout le Moyen-Orient qui a lancé une grande agitation et le brouillage des frontières. C’est une étude de cas que les auteurs vont élargir à l’ensemble des pays du Moyen-Orient, puis de l’Europe et de l’Asie pour faire reconnaître un phénomène hélas banal, de guerre de paix, donc d’expulsion de demande d’asile de déplacement où l’Europe n’a pas voulu voir qu’elles les avait en fait provoqués.
Nous avions connu ça avec nos colonies, après un siècle et demi d’occupation de l’Algérie, il a fallu la quitter, et trouver des asiles et des habitations pour tous les réfugiés.
Mustapha va généraliser à travers une étude de cas sur les camps du Moyen-Orient. Il a fait en véritable ethnologue de l’observation participante. Il parle leur langue, connaît l’histoire de ces musulmans et a fait partie lui-même, pour une petite forme de ce mouvement de circulation. Quand je l’avais eu en cours, je leur avait dit que la première place du sociologue n’était pas à la bibliothèque, mais à Calais. Nous avions reçu un flux continu de réfugiés, de migrants venant d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, a qui on disait : « Passez en France, d’ailleurs on construit un camp pour vous à Calais » ; nous avions passé la patate chaude de la migration à nos pays voisins.
A partir de l’étude d’un cas, El Miri pose la question des civilisations qui, entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, ont continuellement échangé, fait circuler, se sont battu et colonisés, se sont libérés, mais pendant 120 ans, on n’a pas voulu étudier ces problèmes comme génériques à partir d’une étude de cas, comme le fait si bien El Miri.
Lisez son introduction sur les réfugiés syriens, où la reconnaissance de fait est la non-reconnaissance de droit sont des armes de défense des sociétés européennes soi-disant civilisées et généreuses. C’est typique des monographies ou des études de cas qu’Howard S. Becker dit qu’elles sont le sens de la sociologie, que ces pages de la colonisation et de la décolonisation au XXIème siècle qui a suivi. Mustapha ajoute avec ironie la bonne conscience de l’Europe installé dans son confort est l’oubli de l’histoire de cette même Europe.
J’y ajouterais mon souvenir personnel, à peine né en 1940, j’ai vu mon pays Gascon traversé, bouleversé par des gens venus du Nord, réfugiés sous la pression allemande. Dans mon petit village, la réaction immédiate a été de mépriser ou d’éviter ces réfugiés. Je me souviens longtemps à cette inscription dans un lieu public visible, d’une main anonyme : « A bas les Belges ! ». C’était pour nos parents une façon de se défendre de l’afflux des gens qui fuyaient les troupes allemandes.
Sur un autre cas, bien plus récent, les réfugiés syriens au Moyen-Orient, Mustapha décrit un événement banal, régulier, généralisé, qui est le propre de tout les continents, de toutes les régions et de tous les territoires qui se déclarent pays éternels, terre de colons, patrie de nos ancêtres.
Donc il faut lire ce petit livre de Mustapha comme un essai d’une grande réflexion sur un événement banal, général mais que nous refusons de voir pour condamner tous ceux qui bougent, qui circulent, tout ceux qui migrent.
C’est pourquoi j’ai favorisé, soutenu les étudiants migrants, métisses et vagabonds qui furent des élèves occasionnels de mes cours dans lesquels je bannissais la vanité des sociétés riches et orgueilleuses, qui se croyait investies de la responsabilité du monde.
A ce sujet, je peux dire moi-même quelques petites choses sur l’Algérie et la France, ou la circulation des un et des autres à occasionné des malentendus, des conflits et des malheurs (relisez comme je viens de le faire le livre de Bernard Sicot Djelfa 41-43 Un camp d’internement en Algérie, 2015 aux éditions Riveneuve).
Comme le souhaite Howard Becker : il faut faire des études de cas. Et celui qui qu'à fait Mustapha El Miri et ses collaborateurs, et, est exemplaire. L'histoire du monde et de l'Europe est celle de mouvements, migrations, déplacements de populations, circulations de tribus. L'Europe est au carrefour de trois continents : Asie, Afrique et Europe. Trois lignes d'intenses circulations de peuples. La Syrie choisie par El Miri est à cheval entre l'Asie et l'Europe. Et chacun de ces continents reçoit, réexpédie, chasse ou admet les groupes qui bougent dans tous les sens. Alors les réfugiés Syriens, les camps, les déplacements de population c'est banal nous dit Mustapha : et il a raison. Ce mouvement est perpétuel et de tous les temps depuis des millions d'années, l'Europe ou l'Asie échangent des peuples, des millions de personnes vont dans un sens et d'autres dans un autre sens, bref : les exodes et les réfugiés d'aujourd'hui sont d'une banalité sans nom. Il y a 10 000 demandes d'asile en France aujourd'hui. Non seulement ce n'est pas rien, mais c'est surtout normal. La question des fermetures de camps est une illusion car tout le monde traverse les camps, la Manche, la mer Méditerranée, tout le monde reçoit et tout le monde expédie. C'est pourquoi le livre de Mustapha – Comment l'Europe à sous-traité « l'encampement » des réfugiés syriens au Moyen-Orient – est un livre général et universel qui pose simplement la question du mouvement d'un peuple parmi les dizaines d'autres mouvements qui actuellement font bouger les lignes.
Donc ce livre n'est pas une monographie, risque de rester anonyme, ni une étude de cas tout-à-fait rare. C'est une étude de documents sur une forme de la vie de toutes sociétés et de tous continents. El Miri et ses collaborateurs ne sont donc pas des marginaux intéressés par des événements peu connus, mais ont écrit un livre général, un exemple théorique de l'exploration du milieu, de la Terre par les gens qui l'habitent : réfugiés, exilés, déplacés. En tout cas, la circulation est générale et la sociologie doit s'occuper de ce qui est général. Retenons la leçon donnée par Mustapha, Delphine et Kamel, remercions les pour ce livre, et souhaitons leur bonne chance pour qu'il soit lu par les étudiants.
-
Commentaires