• 08/12/2021

     Présentation

     

    Nous sommes tous des migrants ou des descendants de migrants. C'est l'histoire de l'humanité tout simplement. Cette banalité n'est rappelée par personne, apparemment. C'est ce qui me frappe aujourd'hui. Que les sciences sociales soient en retard d'un demi-siècle, c'est habituel, que l'université soit à la traîne, les mouvements intellectuels, ce n'est pas étonnant. Mais il manque les moyens techniques pour observer : en effet, pour bien observer, il faut avoir des idées d'observations, un projet en tête, des impressions, fragiles ou non, acquises antérieurement, et que l'observation systématique va contredire ou améliorer. J'ai dit dans mon livre, Le goût de l'observation, l'importance de sa formation durant l'enfance et l'adolescence. Alors jeunes gens, profitez-en : après c'est trop tard, vos catégories d'analyse seront formatées, trop stables, trop solides, et vous n'aurez plus l'agilité de vision qu'à le jeune en création de soi.

     

    Même si c'est pour rien, fouillez avec vos yeux, regardez votre environnement immédiat : la rue, les profs, les autres étudiants, le bus, le café, le resto U etc. Et dites-vous, ou demandez-vous : qu'est-ce qui a finalement changé en six mois ? Rien, ou un peu, ou ça, etc.

     

    Et surtout l'observation personnelle ne peut exister qu'en confronter à votre passé les observations antérieures, ou celles de vos camarades, collègues avec lesquels vous discutez, échangez, vivez.

     

    La moisson immédiate va être stockée dans votre mémoire qui va trier, sélectionner, organiser. Ne choisissez pas des catégories universelles, des jugements définitifs, des constances dans les impressions, mais regardez ce que vous n'aviez pas vu hier : soit que la situation ait changé, soit que vous ayez vous-mêmes changé. Pour sujet ne choisissez pas un domaine observable trop grand ni trop petit, une ville moyenne comme Aix-en-Provence et un cadre largement suffisant. Relisez les passages où les trois plus célèbres associés sont à l’affût dans leur vie à Aix : Cézanne, Zola, et le futur scientifique, qui, chaque jour, compare avec hier ses interprétations d'aujourd'hui. Ce sont les trois grandes célébrités de l'observation participante dans le cadre d'une ville ambitieuse et luxueuse, riche et cultivée, bourgeoise et populaire. Donc, vous disposez d'un cadre magnifique à portée de main et profitez-en.

     

    Et si vous avez un problème, une question en suspens : allez voir les vieux, les anciens, les retirés de la vie, les ermites, et récupérez leurs avis, leurs impressions, ou comment est-ce qu'ils ont fait à votre âge.

     

    Bonne chance.





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  • Lettre aux migrants

     

    Je vous connais, ma maison est sur votre route, et je vous écris pour vous dire qu'elle sera toujours ouverte.

    Quand je serai trop fatigué et que je partirai au fond de la forêt, comme font les vieux sages de la tribu, discrètement, sans tambour ni trompette, je voudrais vous dire que je suis fatigué, écœuré, désabusé par notre égoïsme national, par notre indifférence scandaleuse à votre sort, et à l'acceptation tranquille que notre civilisation exprime face à vos voyages périlleux, vos morts éventuelles et les dégâts faits aux familles quand vous essayez d'échapper à la dictature ou à la disette.

    Alors, je vous dis bienvenue. Je suis un migrant, surtout moral, par rapport au désintérêt face aux idéologies et aux morales. Moi également, fils et petits-fils de migrants bulgares et roumains (mon fils adoptif l’étant probablement lui aussi). Mais migrants nous le sommes tous, depuis Sapiens venant d’Afrique pour chasser Néandertal, au moins six espèces d’hominidés se sont déplacées, Nord, Sud, Est et Ouest, pour finalement donner notre société qui occulte ce passé de mélanges et de commun, ainsi que le devoir de solidarité planétaire. Ce mélange de races et cet échange biologique, c'est l'histoire de nos gênes et celle de notre sous-espèce contemporaine.

    Quand je vois que ceci est refoulé par notre attitude d'indifférence ou de mépris vis-à-vis de ceux qui se noient en Méditerranée. Mais mes concitoyens préfèrent chasser l’intrus, l’étranger, et je suis triste de notre égoïsme et de notre repli sur des préjugés.

    Nous sommes inconscients, peut-être fous, de condamner de la sorte nos enfants et petits-enfants à l’incompréhension de la situation.

    C'est pourquoi, quand je tirerai ma porte et que j'irai loin au fond de la forêt, je dirai à cette petite fille de 5 ans, trouvée par miracle sur cette plage des Îles Canaries il y a quelques jours, morte après avoir survécu au naufrage de son canot parti d'Afrique, seule, ses parents échoués plus loin : je suis triste de nous trouver aussi abêtis et « Blancs » individualistes.

    Notre société va mourir de son égoïsme : je tirerai donc la porte sans regret, et je m'enfoncerai dans le noir. Mais avant, je te dirais petite fille : « viens, rentre dans ma maison, prends ma place et trouve-la tienne dans ma famille ». J'ai vécu, même bien vécu et eu beaucoup de chance, de beaux enfants et petits-enfants, et donc, fillette inconnue, tu t'entendras bien avec eux et tu diras à tes camarades, tes successeurs, « venez, ils ne pourront pas tous nous arrêter, il reste des gens courageux qui se battent pour un accueil décent ».

    Moi, je serai parti pour le dernier voyage, l'esprit serein et calme. Pour cela, il ne faut pas attendre le dernier jour, mais l'avant-dernier : si !

    Pour cela, comme je l'explique plus loin, il faut mourir en échappant aux mâchoires de la médecine comme nos parents et grands parents l'ont fait, naturellement!

     


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