• Partie 2

     

    La République est éternelle mais elle meurt souvent ; en France deux fois à la naissance (1793 ,1848) ; une à 12 ans (1958) et l’  autre, dont la vieillesse  n’a pas dépassé  65 ans, s’effondra en six semaines(1940) .La dernière, en cours, n’est plus,dit-on, très vigoureuse. A Athènes et Rome, elles furent des entractes entre des oligarchies, des tyrannies ou des monarchies. Au début du siècle dernier,  deux d’entre elles  (Espagne et Allemagne), moururent dans l’adolescence,  foudroyées par leur armée ou milices. En dépit de cette mortalité,  pourquoi aujourd’hui tous les pouvoirs s’en réclament ? Ce succès foudroyant  cache-t-il des  maladies honteuses, des faiblesses irrémédiables ? Tous les pouvoirs se disent républicains dans le monde. Or, aucun régime républicain ne ressemble à un autre et il en y eut plusieurs centaines  dans l'histoire de l'humanité.  Si la référence au peuple est permanente,  quel genre d’appel au peuple s’est-il généralisé et quelles fractions dirigeantes en usent systématiquement ? De quel peuple, concrètement, s’agit-il ? Quelle idéologie populiste est-elle indispensable ? Si ce régime a su fabriquer une histoire populaire  idéalisée au point que toute dictature ou  théocratie s’en empare, c’est parce qu’elle a su, notamment en France,    concevoir une représentation du peuple  qui fit date et  à laquelle  il est obligatoire de se  référer sans enquêtes. Néanmoins, les droits du peuple  cachent des modalités très variables,  un contenu de sens et d’application dont l’unité  formelle masque des contradictions entre  le Droit et les faits, les principes et les politiques effectives. Toutes les autorités établies se servent du peuple et  du droit  à le représenter,  jusqu’à un moment où la  rupture est inévitable et brutale. Ce livre qui observe quelques-unes de ces péripéties  se heurtera aux historiens qui n’ont pas la même conception. Les raisons ? L’histoire que nous racontons est  non conventionnelle, écrite par des intrus à l’académisme installé, ce qui est rédhibitoire. Et secundo, parce que l'intention sous-tend une sociologie de la profession historienne, de ses forces et ses faiblesses. Dont l’une  est le refus d’engagement, le légalisme institutionnel,  le retrait social au nom de l’objectivité.  Je pense  à  la période de l’Occupation où, mis à part M.Bloch, et J-P Vernant (alors philosophe et M.Ferro et A.Kriegel étudiants d'histoire),  il y eut très  peu de militants- Résistants (comparé aux autres scientifiques, ethnologues, médecins, physiciens, philosophes). Jacques Godechot, professeur à Toulouse (de famille juive alsacienne,  révoqué en 1940)   décrivait cela dans son cours sur la Révolution  que nous suivions, étudiants de droit et de sociologie, dans la même enceinte. La mort des Républiques qui prône donc l’engagement des idées, l’abolition des frontières disciplinaires ne sera probablement jamais acceptée par les historiens, défenseurs de spécialisations étroites,indifférents au comparatisme large, idées qu’ils défendent implicitement  chez les éditeurs ou dans les revues qu’ils dirigent

     

    Résumé  du premier chapitre

    Le pire écueil de l’analyse socio-historique du régime républicain  serait de faire passer aux fourches caudines morales de notre époque, les « mauvais » régimes, soit au contraire, accorder facilement notre confiance à ceux où les principes nous semblent, appliqués. Dans la plupart des cas, les mots sont vagues et les réalités qu’ils recouvrent très diverses. Les républiques sont des systèmes d’arrangement (pas toujours pacifiques) entre membres de l’élite qui remplissent diverses fonctions. Le meilleur moyen de s’en convaincre est de regarder comment ont existé en Italie, depuis l’antiquité des régimes « républicains ». Rien de plus étrange à nos yeux, en effet, que la façon dont Rome, puis Venise ou Florence à sa suite,  « furent » des républiques. Cela ne veut pas dire qu’il y aurait un mauvais terme (l’ancien) et un vrai terme (l’actuel). A travers les âges, la République a toujours été un mélange de principes durables et d’adaptations ad hoc. La République est toujours une combinaison. Regarder les « républiques » italiennes, auxquelles songeaient d’ailleurs les révolutionnaires américains et français du XVIIIe siècle nous semble donc un passage obligé de l’examen sur la longue durée de ce phénomène politique et sociologique. 

     Y a-t-il trop d’historiens et pas assez de sociologues de l’Histoire et du même coup pas assez de biographies d’historiens ?  Or nous savons qu’il n’y a pas de sociologie sans Histoire et donc que nous ne pouvons nous passer des livres d’histoire même si « Lorsque la  fortune prépare le bouleversement d’un empire, elle place à sa tête  des hommes capables d’en hâter la chute » ainsi que le disait Machiavel

     

    Chap II Oligarchies  « Républicaines » dans les cités italiennes (Il y a ainsi 6 chapitres et trois parties)

    N-B Ce chapitre a été écrit par Christophe Brochier

     Trois faits  nouveaux dans ce chapitre sur  Rome. Complexité du partage  des avantages du pouvoir entre  élites bénéficiaires ; souplesse de la notion républicaine, épisode tampon entre dictateurs et oligarques exacerbés, en vue d’ une pause des ambitions et un accord minimal pour gouverner; enfin la  situation du peuple romain est mieux connue que celle d’Athènes : ce peuple est plus nombreux, plus agité, plus apparent et   remuant  et conséquemment,  les manipulations et ruses pour le maîtriser  seront   récurrentes, voyantes et pas toujours réussies ( un instant, une révolte d’esclaves fit trembler la Cité : Spartacus !) Les raisons en furent  l’élargissement des territoires , l’extension de la cité-état   à tout un empire continental ; de là, découle la multiplication des armées et du nombre de leurs  chefs, aspirant à devenir dictateurs, consuls etc.. Accumulation de rentes  et extorsions   dus à l’accroissement des richesses acquises hors frontières  permettant des gratifications, l’intensification  de corruptions et de prébendes aux serviteurs, alliés, complices, et tous autres bénéficiaires indirects.

    Quoique tout cela se passa sur une seule scène politique  (ou presque) Rome où se joue l’avenir de cette question cruciale : comment les élites dirigeantes  doivent « traiter » le « peuple ».  Ce peuple, la plèbe romaine qui entre dans l’histoire est  beaucoup  plus diversifiée  qu’en Grèce ; plus  remuante, à la composition sociale plus riche et aux ramifications complexes

     

    1. Comprendre le modèle romain

     

    Les textes de Claude Nicolet le grand historien   de la fabrique  et de l’idée républicaine ([1]) permettent au lecteur français de se faire une idée précise du fonctionnement concret de la république romaine, mais également de mieux saisir les différences et les points communs avec les systèmes actuels. Un premier éclaircissement d’abord : les Romains n’ont jamais songé à appliquer ce terme à leur mode de gouvernement. A Rome, ce que nous appelons république est d’abord le produit de la tentative d’échapper aux inconvénients d’un autre modèle : la monarchie. Le passage de la royauté se perd dans la légende (le coup d’état contre Tarquin le superbe en 509) mais trois siècles avant Jésus Christ, le système républicain est parfaitement implanté, stable et connu jusque dans ses moindres détails par nos historiens.

    En opposition avec nos conceptions actuelles, la république romaine n’est pas fondée sur l’idée d’égalité, ni sur celle de la représentation mais sur la possibilité de participer à la vie de la cité pour ceux qui en ont les moyens (temps, serviteurs, aisance matérielle) La res publica renvoie à la conviction que le gouvernement est l’affaire de « tous » et ne peut être confisqué par un roi ou un dictateur. Les citoyens romains sont donc appelés à voter pour élire les magistrats et confirmer les lois. Mais ils ne les proposent pas, ne les discutent pas et ne décident pas de l’ordre du jour des assemblées. En outre les droits et les devoirs sont proportionnels à la fortune. « La participation –et donc la « liberté » du citoyen- est fondée sur une « inégalité proportionnelle » tenue pour naturelle et nécessaire, et ce que l’on appelle le « droit égal » (…) n’est rien d’autre que le droit pour chacun de recevoir les bienfaits de la communauté civique en fonction d’une valeur déterminée par les biens que l’on possède » ([2]). La république romaine est très clairement un système destiné à écarter le peuple des leviers de commandes : les citoyens ordinaires ne peuvent pas être élus aux postes du judiciaire ou de l’exécutif et ils n’élisent pas de représentants appelés à mettre au point les lois. Au fondement du système romain, se trouve la hiérarchie censitaire. Tous les cinq ans, un censeur évalue la fortune des citoyens et classent ces derniers dans des catégories fondées sur la fortune. Ces classes servent à organiser le vote et à décider qui sont les hommes qui appartiennent à l’ordre des chevaliers ou à l’ordre des sénateurs. Dans les assemblées des centuries (unités de recrutement militaires ou plutôt « rangs d’appels pour l’armée, hiérarchisés selon la richesse » ([3])) ou comices centuriates, les chevaliers votent en premier (18 groupes) suivis de la première classe (80 groupes), c'est-à-dire les citoyens les plus fortunés. Si ces deux premiers groupes sont tombés d’accord sur la loi que l’on a proposée, le vote s’arrête là car la majorité est obtenue (il n’y a que 193 groupes en tout). Comme les premiers groupes sont presque toujours d’accord, les citoyens des derniers groupes censitaires ne votent donc jamais. Dans les assemblées des tribus (4 tribus urbaines et 31 tribus rurales) censées permettre aux citoyens de l’Empire de s’exprimer, les groupes résidant le plus loin de Rome ne votent presque jamais car les élections se tiennent dans la capitale selon un ordre traditionnel (seule la première tribu votante est tirée au sort). Les citoyens les plus pauvres sont tentés de vendre leur vote et de suivre les logiques clientélistes des grands politiciens locaux. Ce système est fondé dans sa logique, acceptée par tous à l’époque, sur le principe que les élites fournissent les hommes et les ressources nécessaires à la guerre en proportions supérieures aux basses classes. Chaque centurie doit fournir à peu près le même nombre d’hommes et la même somme, ce qui pénalise les centuries élevées, faiblement peuplées. En contrepartie, l’élite accapare le pouvoir de décision et d’exécution (Nicolet, 1977).

    La république romaine est donc avant tout, outre un système évitant les monarchies, une organisation tenant le peuple à distance. Le pouvoir réel est partagé entre les magistrats de l’exécutif, notamment les consuls (qui sont élus par les centuries) et le sénat qui approuve les lois, gère les finances, la guerre, et donne des conseils (en fait plutôt des instructions aux magistrats). Les magistrats ne sont pas rétribués, pas plus que les postes de sénateurs. C’est la noblesse ancienne ou les roturiers les plus riches qui accèdent aux postes décisifs. Les consuls sont presque toujours des membres de la haute noblesse, ce qui entraîne d’ailleurs des tensions avec la « petite noblesse » des chevaliers. La liste des sénateurs est dressée tous les 5 ans par le censeur à partir d’une population d’anciens magistrats en principe choisis dans les meilleures familles.  

    Un point cependant est fondamental et écarte encore le système romain de nos catégories d’entendement actuelles : les magistrats ne sont ne général élus que pour un an et exercent leurs charges à plusieurs. Cela permet sans doute d’éviter les risques de dérive monarchique. En fait et surtout, la République sert à organiser la rotation des membres des élites traditionnelles aux postes de direction politique. Comme l’a  montré Egon Flaig ([4]), le vote du peuple sert à éviter les luttes fratricides entre clans de l’élite qu’aurait occasionné la cooptation. Le tirage au sort, si important chez les Athéniens ([5]), a été écarté sans doute car l’élite romaine exerçait également des fonctions religieuses et voulait continuer à interpréter les oracles. L’hérédité des titres aurait bloqué la faible mais nécessaire mobilité sociale et aurait rompu l’accord avec le peuple. Les assemblées servent donc comme rituels de consensus et de confirmation du lien entre les citoyens et les magistrats. Debout, devant des magistrats assis, les citoyens rassemblés regardent se dérouler des rites codifiés et votent en général comme on le leur demande. Si la plèbe veut manifester son désaccord, elle siffle ou insulte les puissants dans la rue ou aux jeux. « Les comices étaient l’institution la moins politique, c’est pourquoi la république ne pouvait se passer d’elle » ([6]). Les grandes familles pouvaient donc se livrer entre elles au jeu enivrant de la politique politicienne. Elles le font d’autant plus que la noblesse n’est pas un capital hérité une fois pour toute, c’est un acquis familial qu’il faut faire fructifier par l’élection. Une vraie famille noble est une famille qui a beaucoup d’élus et « la hiérarchie sociale est celle de la dignité civique » ([7]).

    La question politique est donc en même temps et fondamentalement une question sociale : qui peut faire partie de l’élite ? Les élites anciennes, patriciennes, ont dû concéder que des consuls puissent être choisis dans la plèbe, à condition qu’ils soient particulièrement fortunés. Elles permettent aussi aux chevaliers d’avoir un rôle essentiel dans les votes et d’être magistrats; les postes de magistrats sont ouverts dans une certaine mesure aux militaires et aux scribes. Mais les élites n’iront guère plus loin. Les sénateurs et les consuls sont majoritairement des descendants de consuls. Le système politique, donnant le pouvoir à aux grandes familles, a tendance à faire tourner la machine politique au profit des plus riches (notamment en accaparant les terres obtenues par l’extension de l’Empire). Et le système économique et social, ne permettant qu’une faible ascension sociale, ne remet pas en cause les règles de la république.

    Ce mécanisme bien huilé est cependant menacé par deux dangers. Le premier vient de la foule des démunis, la plèbe urbaine désargentée que redoutent particulièrement les sénateurs. Le système républicain, très intelligemment lui laisse une soupape : les tribuns de la plèbe. L’institution est créée en 493 avant J.C. après une première révolte plébéienne et permet de satisfaire les chevaliers tout en se protégeant d’une partie des classes populaires. Tous les ans des chevaliers sont élus par les assemblées tributes afin d’exercer un rôle de protecteur du peuple. Ils ne peuvent être patriciens, ainsi on écarte le risque d’une dérive dictatoriale appuyée sur le prolétariat. Leurs pouvoirs sont en effet considérables car ils peuvent s’opposer aux décisions de n’importe quel magistrat, fut-il consul, et ils sont dotés d’une immunité complète pendant leur mandat. Cependant ils ne représentent pas le peuple et ne le consultent pas. En revanche ils peuvent empêcher l’emprisonnement pour dette de n’importe quel citoyen, ce qui leur gagne facilement les faveurs populaires. Un garde fou est prévu cependant : un tribun du peuple peut s’opposer aux décisions d’un autre tribun du peuple. Des factions peuvent ainsi se constituer. La vie politique romaine est ainsi une immense affaire de recherche d’influence, de manœuvres de couloir, de corruption et d’intimidation chez les puissants pour  manœuvrer au profit d’une clique ou d’une autre. Les assemblées votant toujours oui, le cœur du processus politique consiste à parvenir à amener un projet de loi devant elles en évitant les blocages et les coups fourrés des adversaires politiques au sénat. De là le deuxième danger évoqué plus haut : la guerre entre factions. La rotation des postes, la relégation des chevaliers et l’éviction du peuple laissent le pouvoir aux mains de quelques milliers d’individus qui cumulent honneurs, richesses et traditions familiales mais qui sont aussi prêts aux pires machinations pour tordre le complexe système à leur avantage.

    Ce sont ces guerres de factions combinées aux problèmes économiques et sociaux liés à l’extension de l’empire qui auront raison du système républicain. En effet, les conquêtes avaient amenés des terres nouvelles qui peu à peu furent accaparées par les élites dans d’immenses domaines. La petite paysannerie libre se trouva menacée et s’exila dans la capitale grossissant les rangs de la plèbe, du lumpen proletariat, prêt à suivre un chef populiste ou à vendre son vote. Les militaires qui étaient traditionnellement recrutés dans les rangs des petits propriétaires terriens durent donc être recherchés chez des volontaires attachés à un chef charismatique faisant des promesses. Les lois agraires destinées à mieux redistribuer les terres ont ainsi été un sujet de disputes et de désaccords tout au long de la République. Incapables de résoudre les problèmes de la plèbe et ceux du ravitaillement en grain de Rome, les patriciens se trouvèrent donc exposés aux ambitions de chefs militaires (César, Pompée), suivis par des soldats dévoués, ou à celles de chefs populistes capables de mobiliser des bandes de sous-prolétaires violents (Milon, Clodius). Dès qu’un officier supérieur devenait trop populaire, les grands essayaient de le neutraliser. Mais en même temps, le sénat était facilement corruptible grâce à l’or ramené des campagnes militaires surtout après l’instauration du vote secret ([8]). Chaque faction essayait de faire passer des lois visant expressément à pénaliser un concurrent politique (comme Clodius contre Cicéron ou Caton).

    Le dénouement de cette situation est bien connu. Dans les années 50 (av. J. C.) des émeutes opposent dans les rues les bandes des partisans des chefs politiques en compétition, pendant que Pompée et César s’affrontent à distance, par décisions du sénat interposées. En 50, après une série de décisions contradictoires, le sénat prend le parti de Pompée et demande à César, contre le veto des tribuns de la plèbe, de désarmer ses hommes victorieux en Gaule, et de rentrer à Rome comme simple citoyen. C’était lui demander de renoncer à ses ambitions de consul au profit d’un concurrent moins bien armé. Bien sûr il refuse et franchit le Rubicon. En même temps, César saura rester le plus prêt possible de la légalité (son droit avait été bafoué et il ne pénétra pas dans Rome, recevant en armes, les sénateurs à l’extérieur). Il saura patiemment ensuite vider la république de sa substance en respectant en partie les principes (notamment en intégrant des étrangers à la république et en leur obtenant des droits politiques). Sous Auguste la noblesse s’accoutumera à renoncer à exercer entièrement le pouvoir au profit de la vie de cour et le rôle des assemblées populaire disparaîtra progressivement sous les empereurs successifs.

    Les partisans ou les admirateurs de la république romaine ont toujours prétendu qu’elle devait sa stabilité (à peu près quatre siècles, ce n’est pas rien…) à son harmonieuse combinaison entre démocratie, monarchie et aristocratie. C’est inexact bien sûr : ce qui a fait la durée du système c’est l’exclusion structurelle du peuple du pouvoir politique dans le cadre d’un système suffisamment complexe et souple pour que les élites puissent se délecter du jeu politicien tout en neutralisant leurs factions internes. Ce qui a perdu la république c’est de ne pas avoir prévu les moyens d’une adaptation aux évolutions économiques, stratégiques et sociales. La république était bien taillée aux dimensions d’une citée mais trop rigides pour les besoins d’un empire en extension permanente. Comment satisfaire, en effet, les peuples nouvellement intégrés, la plèbe urbaine, les généraux, sans brider la volonté d’enrichissement des patriciens ? Sans sa dépendance vis-à-vis des grands généraux victorieux tout autour de la Méditerranée, la république romaine aurait sans doute pu continuer à vivre. Dans le cadre d’un empire en guerre permanente qui demandait à la fois un chef populaire, des mesures sociales énergiques et la fin des luttes de factions, le césarisme montra rapidement sa supériorité.  Cette leçon est à méditer ; cette expérience moins citée que la Grèce  de taille plus petite inscrit  son destin  dans ce qui va  se produire dans l’histoire de toutes les républiques  suivantes en Europe. La république est donc le meilleur régime pour contenir les luttes fratricides  entre factions  dominant l’économie et accaparant la richesse de l’Empire. Cette définition structurelle ne changera pas au cours des divers cas que nous allons maintenant étudier en tenant compte de nouvelles variables

    La taille : La Grèce ne peut se comparer la dimension de l’empire romain est  autre et de beaucoup ; cela fait cent fois plus de généraux à recaser en politique ; des armées professionnelles prêtes à les suivre, des conquêtes  intenses et élargies

    Le peuple s’est complexifié et celui qui nous intéresse il représente à Rome plus de la population résidente  qu’à Athènes paysans chassés , soldats retraités »n  affranchis  artisans domestiques boutiquiers  un prolétariat « flottant »  au gré des humeurs des chefs   sénateurs dictateurs permanents ou temporaires, consuls etc...,  le soldat  l’ouvrier  le serviteur des « Grands » sont des  alliés possibles pour les ambitieux  Sans compter la pègre et l’étranger  -barbare - venu des fonds de l’empire ; toute un population  disponible pour soutenir  les aventuriers .En effet la plèbe romaine, contrairement à Athènes, est parfois oisive :entretenue par les richesses ramenées par les conquérants  qui ramènent l’or, biens, esclaves  et rendements de propriétés terriennes en gaule ou ailleurs .Ce petit  peuple se vend au plus offrant mais en attend rétribution en « jeux », distractions ou retombées économiques.  Les « familles » ont plus d’argent à consacrer à cet électorat versatile et mobile.  Les équilibres entre tous les clans sont plus fragiles et difficiles à stabiliser. C’est pourquoi la république fut  une solution   temporaire à la brutalité des tensions et de luttes fratricides

    Enfin   il apparaît  beaucoup plus de lettrés et de penseurs dans la société romaine, ce qui aiguise les  querelles et les moyens de les influencer. La république a ici été fabriquée à une échelle supplémentaire,  un effet « taille » qui nous éblouit   tant la richesse de leurs cas et leur connaissance  sont grandes. Tout cela sera avivé dans les cités du Moyen Age et de la Renaissance puisque le cumul des prédations, commerces et  occupations en Europe se sera considérablement agrandi

     

    1. Les cités italiennes au Moyen-âge : variation sur le thème de la république

     

    L’exemple de Rome a montré que la république dans sa forme antique est un moyen de réserver le pouvoir à une élite nobiliaire et économique en écartant le peuple des décisions importantes tout en lui donnant (tout au moins à sa frange supérieure) une participation symbolique. La formule Senatus Populusque Romanus affiche clairement la coupure entre la tête et le corps. Les citoyens peuvent voter, les riches et la petite noblesse ont des postes, et la grande élite dirige. Le problème réside dans la gestion du glaive. Comment arrêter un chef militaire qui se serait rendu populaire auprès des exclus et des mécontents et promettrait de faire sauter une partie du verrouillage socio-économique imposé par les patriciens ? Le danger est d’autant plus fort que le dictateur n’est pas obligé de procéder à une révolution : il peut entamer son action dans le cadre des institutions existantes et en conserver une partie par la suite. Ce problème ainsi que celui des luttes de faction vont se poser de plusieurs manières différentes dans l’Italie post-Carolingienne, véritable laboratoire d’incubation du phénomène républicain à l’échelle communale.

    Les sources du mouvement communal italien sont  connues et nous ne développerons pas son exposé ([9]). Rappelons simplement qu’avec le morcellement de l’empire carolingien, l’Italie urbaine va être dirigée essentiellement par des évêques. Après les réformes grégoriennes, de nombreux sièges épiscopaux vont se trouver vacants et les villes vont apprendre à se gouverner seules, alors que le pays n’est dirigé que de loin et de manière fort théorique par l’empereur germanique. Entre la fin du XIe siècle et le début du XIIe, les communes, de plus en plus indépendantes vont s’organiser autour de consuls et de magistrats spécialisés. C’est également l’époque où une bourgeoisie financière et commerciale se développe et s’enrichit. En 1154, l’empereur germanique Frédéric Barberousse décide de reprendre le contrôle de l’Italie et s’approprie par la force les pouvoirs régaliens (notamment la nomination des consuls et la levée des impôts). Après 20 ans de domination, il se heurte à une ligue en Italie du Nord qui lui tient tête, le bat militairement et l’oblige à accepter par écrit le rétablissement des libertés communales (1183).

    Selon les villes, les élites sont un composé variable de féodaux, de clientèles des évêchés, de commerçants et d’hommes de loi. Cette élite est riche, en principe assez pour pouvoir faire la guerre à cheval, critère essentiel, on s’en souvient, dans la Rome républicaine. Elle domine aussi les consuls des arts (c'est-à-dire les chefs des corporations des artisans) et dirige l’assemblée des citoyens qui vote collectivement au début par approbation orale. Ces assemblées élisent les consuls, en nombre variable, chargés de toutes les tâches judiciaires, administratives, militaires et fiscales pour un an. Dès le milieu du XIIe siècle le vote direct sera abandonné : le peuple choisit les membres d’une commission qui élit, elle, les consuls. Les risques d’affrontements violents entre factions sont ainsi écartés et bien sûr, le système permet l’alternance aux postes clefs des membres des clans familiaux les plus influents. Enfin, le système de mise à l’écart du peuple des leviers de commande est complété vers la fin du XIIe siècle par la création de conseils (grands conseils ou conseils restreints) qui dépossèdent les assemblées populaires de la compétence législative et délibérative au profit des élites et de leurs clientèles. Selon les villes, des arrangements plus ou moins complexes combinant tirage au sort, cooptation, indication et élection permettent aux gens importants de se partager les responsabilités de façon tournante. L’assemblée, comme les comices avant elle, en vient à ne plus servir qu’à ratifier les décisions. L’élite est la militia : elle fait la guerre aux seigneurs des campagnes et des montagnes environnantes, se déchire en lutte de clans, investit les gains du commerce et de l’agriculture dans la construction de tours fortifiées et cultive un mode de vie aristocratique et cultivé (Menant, p. 55). Les autres citoyens forment le popolo : ils combattent à pieds et sont exclus des honneurs et des charges. Peu à peu à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, le popolo va accroître son pouvoir politique.

    A partir de cette époque l’évolution sociale et politique peut-être résumée par quelques grands traits ([10]). Au XIIIe siècle, les marchands enrichis par le commerce entre les villes et les campagnes environnantes demandent à obtenir une part du pouvoir politique confisqué par les aristocrates. Les popolani créent alors leurs propres conseils dominés par leur capitano del popolo. Ils obtiennent alors par la force ou la pression, de supplanter dans quelques villes, les podestats, représentants les grandes familles. Ces affrontements politiques s’accompagnèrent d’une violence civile endémique. Le pouvoir pouvait être pris et repris par les factions populaires ou aristocratiques. Dans le dernier tiers du XIIIe siècle, les villes, lassées des guerres civiles se laissèrent tenter par le gouvernement seigneurial. Ferrare puis Vérone, Mantoue, Trévise, Pise furent bientôt aux mains de dynasties seigneuriales à la suite de transitions douces. Dans certains cas comme à Milan, Padoue et Florence, la transition fut plus tumultueuse. Dans d’autres, le système républicain se maintint jusqu’au 18e siècle.

    La configuration la plus étonnante est celle de Venise qui connut la plus longue vie républicaine de l’histoire de l’Occident. Le secret d’une telle longévité est plus complexe qu’il n’y paraît. Les penseurs politiques italiens du 16e siècle (Giannotti, Contarini, Paruta, etc([11]), célébraient le « merveilleux équilibre » de la constitution qui combinait harmonieusement l’aristocratie, le vote populaire et le pouvoir d’un homme. Ce « mythe de Venise » ([12]) entretenu tout au long de l’époque moderne avait pourtant été clairement dénoncé par quelques observateurs bien informés comme le diplomate français Nicolas Amelot de la Houssaye au XVIIe siècle ([13]). De quoi s’agit-il au final ? Dès le haut moyen âge, les habitants de la lagune se dotent d’une forme de gouvernement dont les fondements sont un doge (sorte de duc élu) et une assemblée populaire (concio). Le doge est supposé être élu à vie, mais il est souvent renversé, voire assassiné. Bien sûr le système est allé, à la fois en se complexifiant et en  se transformant  en élite de gouvernement. Les pouvoirs du doge ont été réduits à la fin du XIIe siècle, dans le but clair d’éviter la dérive monarchique (par l’adjonction d’un conseil réduit, d’un tribunal suprême, puis d’un sénat). Le doge était élu au sein des familles patriciennes qui confisquaient en fait le pouvoir de décision et  le partageaient selon des logiques complexes de contrôles croisés et de postes à rotation rapide. Les citoyens appartenant aux « arts » pouvaient être fonctionnaires mais pas exercer de charge politique. Comme l’avait signalé Amelot de la Houssaye, ni le peuple, ni le doge ne peuvent contrecarrer les décisions des grandes familles. Quand les « gens nouveaux » du popolo se sont manifestés au XIIIe siècle, ils ont, pour leur frange supérieure en tout cas, été intégrés au grand conseil qui a compté plus de mille membres au début du 14e siècle. En 1297, après avoir permis aux anciens membres depuis quatre ans de siéger au grand conseil, celui-ci est définitivement refermé sur lui-même (serrata) ; il faut quatre générations au moins d’appartenance au grand conseil pour pouvoir y être éligible. L’appartenance au conseil devient héréditaire et concerne en fait à peu près deux cent grandes familles. Ses membres sont considérés comme étant nobles et les couches moyennes en sont définitivement exclues. Pour éviter les troubles, un conseil des dix (sorte de comité de sécurité publique) surveille et punit les tentatives séditieuses (il sera renforcé au XVIe par un groupe d’inquisiteurs aux larges pouvoirs). Le secret de la stabilité de Venise réside donc en fait essentiellement dans sa concentration patricienne qui a été possible grâce 1) au faible rôle des artisans (et leur encadrement par des institutions charitables et religieuses) dans une république essentiellement marchande où les nobles sont des entrepreneurs de commerce, 2) l’intégration au XIIIe siècle d’une partie des classes montantes non nobles, 3) la surveillance permanente des grands entre eux, doublée d’une surveillance permanente du reste de la population, 4) la position insulaire qui a assuré à la fois une défense contre les intrusions étrangères et la porte ouverte à la prospérité par le commerce. Le principal mérite de la république est donc d’avoir duré, et pas, comme l’avait analysé Montesquieu, d’avoir permis le développement des vertus civiques par le juste équilibre d’un gouvernement mixte.

    Gênes, autre république maritime et commerçante (mais plus exposée territorialement) dura presque aussi longtemps que la sérénissime. La cité avait adopté une organisation politique ressemblant à celle de Venise : un doge, un grand conseil, etc. Mais la ville était plus que toute autre divisée entre les grandes familles puissantes regroupées en alberghi au XIIIe siècle ([14]). Elles avaient leurs tours fortifiées, sans fenêtre repliées sur elles mêmes, leurs drapeaux et s’affrontaient pour le contrôle de la cité, avec une violence extrême. Au cours des huit siècles de son existence, les institutions n’ont eu de cesse de se modifier dans le double but de limiter l’effet des luttes entre clans et d’empêcher le contrôle de la ville par un seigneur. Les doges, en principe nommés à vie étaient fréquemment destitués. Les Gênois, individualistes et méfiants ont toujours refusé le gouvernement d’un seul et le institutions ont mélangé les nobles et les membres des guildes ([15]). C’est donc au sujet des élections dogales que les disputes étaient les plus fortes. Au XVe siècle, une large  gamme de conseils et d’institutions conféraient en revanche plus de stabilité au fonctionnement de l’Etat que la division entre doge et conseil ([16]). Par ailleurs, le fonctionnement des conseils était moins strictement régulé et offrait plus d’espaces de discussions, en l’absence d’une fermeture trop étroite sur les grandes familles comme à Venise ([17]). Dans tous les cas, les manières génoises de parvenir au consensus furent insuffisantes pour empêcher l’invasion française au XVe siècle. Après l’épisode français, la constitution est modifiée (1528). Pour résumer, la noblesse est inscrite au livre d’or et ne peut s’accroître qu’au rythme de 10 noms par an. Elle est représentée au sein du conseil majeur et du conseil mineur. Le doge est élu par un système complexe ou interviennent tirage eu sort et décision du grand conseil. Il ne peut agir sans le sénat et la chambre des comptes. Cinq magistrats sont par ailleurs chargés de vérifier la légalité des actes de la seigneurie (doge, sénat et gouverneurs de la chambre des comptes). Un demi siècle, à la suite de la pression du popolo, la constitution est de nouveau modifiée avec un rôle accru du grand conseil qui détient en théorie la souveraineté mais qui la cède en pratique au conseil mineur ou siègent les nobles. Alliée à l’Espagne dont elle est le banquier, la république survit jusqu’à la révolution française.

    Venise et Gênes poursuivent donc le système républicain établit à Rome dans l’antiquité en s’adaptant à la situation économique et politique du moment. Etats de marchands, relativement indépendants de l’arrière pays et attachés à leur liberté, qui est aussi celle de s’enrichir et d’en recevoir les honneurs ; ils parvinrent malgré les déchirements internes à éviter le césarisme, comme l’accaparement du pouvoir par un capitaine ou seigneur soutenu par le peuple. Le secret a toujours été de faire pour l’oligarchie nobiliaire et marchande de faire des concessions à la bourgeoisie tout en régulant les conflits internes. Seules des circonstances exceptionnelles ont permis d’y arriver car les autres républiques n’y parvinrent pas aussi bien.

     

    1. Florence et le clan des Médicis

     

    Si l’on veut comprendre la mort des républiques, ce n’est pas Gênes ou Venise qu’il faut regarder mais Florence. Cette ville indépendante n’est pas aussi grande, ni aussi puissante que Venise et elle n’est pas isolée de la Toscane. Les métiers y sont plus puissants et si la banque joue le premier rôle, le grand commerce maritime  est absent. La ville est donc plus menacée par le féodalisme et les jeux d’influence régionaux. Elle résistera cependant longtemps à l’établissement du pouvoir d’un seul homme : il faudra toute la patience et l’habileté de Côme de Médicis pour y parvenir. Pour comprendre comment exactement meurent les libertés républicaines, il faut entrer dans le détail de l’histoire. Pour cela, nous suivrons l’un des meilleurs spécialistes français des républiques italiennes : Jacques Heers. Cet instituteur de formation, par la suite agrégé d’histoire, avait été orienté par Braudel vers l’étude de Gênes au Moyen-âge dont il est le grand connaisseur ([18]). Sur la base de ces travaux, il s’est intéressé au clan familial italien, ce qui est une des portes d’entrée de la compréhension de la vie politique des cités. Enfin, pour Florence, il s’est appuyé sur l’un de ces érudits américain, absolument inconnu en France : John Najemy ([19]). Ce diplômé d’Harvard, professeur à l’université Cornell a accompli à la fin des années 1970 le travail qui a découragé beaucoup d’historiens : l’étude presque complète des archives des élections à Florence. Regardant quartier par quartier qui a été élu et comment, il dresse un portrait réaliste du fonctionnement du gouvernement florentin. Il est ensuite l’auteur de la principale étude historiographique d’ensemble de Florence en langue anglaise depuis celle de Brucker dans les années 1960([20]). Heers et Najemy partagent donc la même méthodologique : les républiques italiennes échappent à la synthèse généralisante et doivent être comprise au cas par cas.  Le système ne peut se résumer à ce qu’en disent les commentateurs de l’époque, Bruni ou Machiavel par exemple, dont Najemy a montré les ambivalences et changements de points de vue ([21]). Il faut également échapper au schéma binaire, encenseur ou critique, sur la base qui met de toute façon en avant les « valeurs » républicaines. Sur cette base, que nous apprennent-ils au sujet de Florence et de sa république ?

    1. Tout d’abord, les « libertés » républicaines tant vantées par les commentateurs sont en fait celles que les clans familiaux de l’élite s’arrogent en matière de guerre civile. A Florence comme à Gênes, la République est avant tout un état permanent de guerre civile latente. Heers montre qu’il faut saisir la politique au nouveau des groupes pertinents qui ne sont pas forcément les classes sociales. Dans le Moyen-âge italien, les rassemblements de familles sous une seule bannière (albergi, consortiere, consorzi, etc.) sont l’un des principaux éléments de la dynamique politique. Les clans peuvent avoir plusieurs branches composées chacune de plusieurs familles riches ou pauvres et totaliser des centaines d’individus adultes ; ils « s’organisent en une solide communauté politique plus ou moins indépendante de l’Etat princier ou municipal » ([22]) notamment en soumettant les quartiers ou paroisses à leur influence. Ce sont ces clans des grandes familles qui vont dans l’Italie communale accaparer l’essentiels des postes influents dans les communes. Ils le font au départ du mouvement communal à l’époque des consuls quand la république était simplement un moyen de faire coexister les tribus. Mais ils continuent leur influence à l’époque du popolo au titre de l’organisation sociale des nobili, mais également par leur influence dans les quartiers qui élisent les représentants des arts (popolari). La commune populaire n’a jamais réussi à dompter les clans, à abattre les tours, à calmer les vendette, à briser les solidarités militaires ou clientélistes (Heers, le clan, p. 266)..

    L’un des résultats de l’importance de ces clans est l’intensité des luttes, encore alimentées par la faide, les vengeances et représailles d’honneur. De l’époque des consuls à celle du popolo les luttes entre factions politiques (Guelfes, Gibelins, sous groupes à l’intérieur de ceux-ci et partis divers) et familiales sont d’une violence inouïe, bien décrite par les chroniqueurs mais souvent absente des livres d’histoire : de « vraies batailles rangées entre des guerriers confirmés sous le commandement de chefs rompus au métier des armes. (…) La lecture des chroniques est d’une désespérante monotonie : des troupes et des foules anonymes lâchées pour tuer et pour détruire, les vaincus souvent massacrés sur place » (Heers, Médicis, p. 30). Au début du XIIIe siècle, les Gibelins gagnent la lutte pour le pouvoir et font raser 103 palais, 85 tours et 580 maisons de leurs ennemis. En 1267, retour en force des Guelfes : plus de 2000 personnes sont exécutées ou exilées. Ces partis n’ont pas d’idéologie, ils veulent le pouvoir, l’argent, les postes et sont prêts aux pires exactions pour l’obtenir.

     

    1. La république ne tient que parce que les clans et les partis se neutralisent.

     

     Ils le font de deux manières : en se partageant les postes dans la méfiance permanente et en se faisant la guerre quand ils ne se supportent plus. A l’époque consulaire, après la tutelle impériale, le système politique florentin repose sur un conseil restreint et douze consuls. « On ne voit pas bien comment ils les désignaient et tout porte à croire qu’ils se cooptaient » (Heers, p. 19). Il s’agit d’organiser la rotation des postes entre les grandes familles en évitant que l’une d’elle ne se place en position seigneuriale. L’absence de l’institution dogale est sans aucun doute un indice de l’intensité de la méfiance. Au XIIIe siècle, le système du popolo est mis en place pour entériner la montée en force des artisans de plus en plus spécialisés et/ou celle de l’importance des quartiers : 20 représentants des quartiers (sestiers) élisent les membres de deux nouveaux conseils par des tirages au sort complexes et changeants. La nouvelle structure se superpose à l’ancienne : signe évident que ce n’est pas l’efficacité qui est recherchée mais la satisfaction des appétits (anciens et nouveaux). La nouveauté du système est cependant qu’il entérine le pouvoir des guildes qui repose sur le principe que chacune a le même droit à participer et à être représentée ([23]). Les luttes entre factions ne se calmant pas on institue le système des prieurs : trois (puis rapidement six) hommes sages du groupe au pouvoir (à ce moment les Guelfes) et membres des principaux métiers (au premier rang desquels, la banque) deviennent des prieurs chargés d’arbitrer et d’orienter. Ce gouvernement du popolo conduit à la persécution des « magnats » (les riches et les importants). On peut voir ces évolutions comme le résultat d’une dynamique de classes sociales, mais on peut aussi les interpréter comme de simples redistributions des cartes entre clans fondés sur des quartiers et appuyés sur des clientèles artisanales comme le fait Heers : ceux qui arrivent au pouvoir (les nouveaux riches) persécutent les anciens accapareurs (la vieille noblesse). Dans les années 1300, les Guelfes se divisent entre Blancs et Noirs et les luttes se font aussi fortes qu’auparavant. Il semble en fait que la république soit ici moins un système antimonarchique qu’un arrangement complexe et changeant permettant un gouvernement municipal dans un contexte de successions courtes de clans vainqueurs par la violence.

     

    1. La démocratie n’est l’objectif de personne. Le popolo rajoute un élément de discorde. Ceux qui sont devenus puissants et qui ont su constituer des partis (y compris avec des nobles), veulent leur part du gâteau municipal. L’idée de démocratie n’effleure personne et les phases de gouvernement radical du popolo ont été très courtes dans l’histoire des cités italiennes (Shaw, 2006). Le système des alliances et des partis prend en compte ceux qui deviennent riches. Mais à l’inverse du système romain, les classes censitaires bien déterminées ne règlent pas l’accès au pouvoir. C’est la force qui redistribue les cartes. Les ouvriers et le petit peuple sont simplement des suiveurs. Ils agissent à la suite des patrons d’atelier et servent au besoin d’agitateurs de rue. Donc c’est un système qui repose à la fois sur l’affrontement pour se hisser aux commandes et sur l’exclusion des plus faibles et des concurrents. Le quatorzième siècle voit le développement d’un gouvernement oligarchique. Les artisans peu fortunés assistent en général spectateurs au jeu politique « on peut attendre longtemps, voire sa vie passer sans ne rien obtenir » (p. 69). L’élite banquière et marchande de même que les guildes principales s’efforcent d’écarter les « classes ouvrières du textile » qui ont réussi à conquérir une parcelle de pouvoir en 1378-1382[24]. Les métiers du change étaient grossièrement favorisés, les bouchers et les fourreurs n’arrivaient pratiquement jamais aux postes de prieurs. Les nouveaux acteurs ne changent pas le jeu politique, ils forment une strate de plus. Le résultat en est un système politique absurdement complexe permettant aux puissants de fausser les élections en toute discrétion. « Ce gouvernement comptait pour le moins cinq grandes instances politiques distinctes : l’ancienne commune et son podestat [arbitre temporaire venu d’une autre ville], le capitaine du peuple assisté d’un conseil ; les arti moyens, majeurs et mineurs ; les représentants des circonscriptions territoriales (…) ; enfin la seigneurie, les prieurs, le gonfalonier de justice, leurs deux conseils. Sans compter la rue, ses rumeurs et ses débordements et sans compter non plus de temps à autre des pouvoirs extraordinaires, pouvoirs d’exception, généralement créés de toute pièce en temps d’alerte : un parlamento (assemblée générale) ou, plus souvent, une balia, commission dotée de tous les pouvoirs policiers et judiciaires, nommée à la hâte, de façon parfaitement arbitraire » (Heers, Médicis, p. 64). Les institutions sont donc se qu’en font les puissants du moment, elles évoluent au gré des rapports de force. Personne ne se fixe de borne à moins d’y être obligé : la manipulation et la tricherie lors des élections et des tirages au sort sont un rouage habituel. C’est tellement vrai que des accopiatori vinrent se rajouter au système des tirages au sort pour sélectionner de façon parfaitement discrétionnaires les noms de ceux placés dans la petite bourse d’où l’on tirait les 6 prieurs et le gonfalonier. Pas question que le tirage au sort puisse avoir un effet démocratique…

     

    1. De cette manière, aucun chef de clan n’a pu confisquer durablement le pouvoir. Le duc d’Athènes, Gautier de Brienne, un homme du roi de Naples, venu pacifier la ville pour son plus grand profit, n’y est pas parvenu non plus. Elu tyran à vie par le petit peuple il est rapidement expulsé par un complot des Grands qui recourent à l’émeute de rues. Le système républicain qui repose sur la violence empêche également un accaparement durable du pouvoir par la pure force. La clef du changement repose en fait sur la capacité à étendre les clientèles. La république est menacée quand un clan est assez adroit pour renverser la logique du système : faire des amis plutôt que provoquer ces ennemis, croître doucement, être prudent, ne pas vouloir renverser les institutions. Comme l’avait bien vu Machiavel, la République court toujours le risque d’être dominée par un homme combinant grand talent personnel et popularité auprès des petits artisans (Najemy, 1982b). Comme César, Côme attendra son heure, le fera en respectant la légalité, saura donner largement et se faire des amis dans la rue et chez les puissants. Le système du podestat avait montré que les citoyens étaient prêts à confier une partie du pouvoir à un étranger en échange de la paix. Mais ils ne voulaient pas pour autant d’un maître héréditaire. Le secret de Côme n’est pas d’apporter la paix complète, puisque il sera très dur avec ses ennemis, c’est de l’acheter, en ayant beaucoup d’amis dont il s’était fait le créancier. Devenu chef de clan important, il est expulsé par une famille concurrente, puis rappelé, comme il se doit quand la seigneurie lui redevient favorable. Alors il procède lui aussi à des expulsions mais en fait des bannissements à vie. Ces partisans se partagent les biens des bannis. Prodigue, mécène, ami du peuple, il prête à toute personne en difficulté sans même être sollicité. Ainsi il peut convoquer une balia quand les élections lui sont défavorables. De cette façon il va placer ses hommes à tous les postes clefs pendant trente ans en achetant Florence et sans pratiquement sortir de la légalité républicaine. Constructeur de la paix civile, il transmettra le pouvoir de fait à ses fils. Voici comment se perdent les « libertés  républicaines ». Cette perte est analysée par les plaintes de certains intellectuels attachés aux vertus républicaines comme Bruni, Guichardin ou Machiavel ([25]). En critiquant les Médicis, certains penseurs politiques de l’époque vont encenser le modèle précédant qui permet de développer les vertus civiques. Pourtant les milieux dominants de la République n’ont eu de cesse d’admirer le modèle vénitien qui savait si bien mettre le petit peuple à l’écart et permettre le governo stritto. Les ottimati voulaient la république pour garantir leur mainmise sur les postes. Ils auraient voulu d’un Médicis primus inter pares, et l’on, à bien des reprises, appuyé pour finalement se satisfaire du rôle de courtisans du prince. Les ottimati ont été à la fois des opposants et des appuis des Médicis qui avaient besoin dau moins une partie de leur soutien, par le renforcement des liens traditionnels (amici, parenti, vicini) sur plusieurs décennies[26].

    Les débats entre experts montrent qu’il est impossible de parvenir à une théorie unifiée du phénomène républicain italien à la fin du Moyen-âge ([27]). Nous ne pouvons que relever quelques dimensions du cas Florentin qui illustre le passage progressif d’un « républicanisme de guildes » ([28]) à un républicanisme princier.  Cooptation contrôlée et neutralisation mutuelle dans la violence, intégration minimale aux élites par la force, mise à l’écart du peuple. Le modèle de Florence n’est synonyme ni de paix, ni de démocratie. Sans remettre en cause les principes généraux (certes fort vagues) chacun essaie de biaiser le système dans le détail. Le facteur principal d’évolution du modèle tient non pas à l’évitement des risques de césarisme mais aux modes de réactions face aux évolutions des positions des groupes sociaux et à la vigueur de ces dernières. La république romaine était minée par l’enrichissement des grands au détriment des petits libres. Les cités du Moyen-âge ont dû gérer la montée économique puis politique des artisans. Dans les deux cas les patriciens s’arc-boutent sur leurs privilèges et ouvrent la voie à des hommes entreprenant issus des classes moyennes capables de faire sauter certains blocages et de recruter largement des partisans. Car c’est une chose d’arriver au pouvoir, s’en est une autre de s’y maintenir et d’imposer une dynastie. Pour cela, il faut neutraliser ou satisfaire durablement les mécontents. Pour l’instant, le petit peuple (qui sert de masse menaçante facilement achetable) n’en fait pas vraiment partie, mais les choses vont changer  dans le cadre  des republiques-nations  (Allemagne, France) du fait de la part de libertés démocratiques à accorder à ce petit peuple, ainsi que de sa surveillance  et du  filtrage  à assurer  au sein de ceux qui auront été acceptés   par l’intermédiaire de la république ?

    d ‘alliances et intervention tolérée du « peuple » par ceux qui  dirigent ou veulent accéder à leur tour au pouvoir 

     Résumé des deux premiers chapitres  

    Demos, peuple, popolo, plèbe, prolétariat, masses, la terminologie et la non catégorisation révèlent l’embarras. Divers  classements, différentes populations selon   les proclamateurs se heurtent toujours au même problème : sa définition, appartient à ceux qui ont la légitimité de représentants élus. C’est pourquoi  d 500 avant J-C, jusqu’à la Renaissance,  la république est  un régime de transition de courte durée et par là un régime aristocratique et  élitiste, discriminant. Cette aristocratie  auto-éduquée est destinée à faire tourner, entre soi, le pouvoir (tout en donnant des avantages à  des individus inférieurs mais assimilables)  et en évitant les désastreuses querelles et  inimitiés allant à la guerre civile ou à l’assassinat de pairs rivaux.

    Tout ceci a fonctionné pour de petites communautés  méditerranéennes (cités-Etats, régions de faible dimension) mais qu’en fut-il des républiques grandes nations (France  de 1792 et Allemagne de Weimar) Le changement d’échelle est déterminant. On ne contrôle pas le peuple appelé à aider à un renversement et de ce fait, favoriser une faction contre une autre de la même façon  dans une Cité de la taille d’un département (Rome) que dans un pays de 25 millions d’habitants sur  des  milliers de Kms carrés. Une fois le risque passé, le renversement  recherché de la faction dominante obtenu, le mouvement lancé à l’aide  du « peuple » doit être réprimé car il se montre impatient à des fins de rétribution.  Le problème est partout le même . César et Pompée se disputant  ont le même argument :« Libérer le peuple » ;mais  après il faut se libérer du peuple encombrant   par la force. Cela de Spartacus à la Commune de Paris n’a guère posé de problèmes de conscience. Et ceci fut donc le destin de toute république mais –ce n’est pas un détail- avec des résultats variés et des formules parfois incomparables. Les moyens changent de dimension mais l’idée est la même  Quand César franchit le Rubicon ses prédécesseurs avaient su user des instruments classiques pour garder l’autorité. La force armée,  les légions  chassent les sénateurs par les armes et on contient le peuple par  des promesses, de l’argent, puis par des  jeux et des avantages  répandus auprès des meneurs et des chefs populaires ; il faut de bons amuseurs, orateurs,  ancêtres des intellectuels et des théoriciens contemporains . Les jeux offerts au peuple sont l’occasion d’asseoir une popularité et deviennent les hauts- lieux des discours  des ancêtres médiatiques .Le travail sur l’opinion, l’usage du Droit rénové (une nouvelle constitution)  sont le troisième pilier indestructible de la république. Parfois, on le verra, le processus du contrôle du peuple échappe, comme à Weimar où une fraction de la bourgeoisie  fut manipulée par un homme non pas issu du peuple  mais  venu des  centaines  de refoulés et de ratés  professionnels et ce fut l’Hitlérisme

    C’est dans la pression de ce genre d’événements que les Bourgeois de « 89 » firent la découverte de l’utilité du « peuple », au long de plusieurs » journées » étalées sur 3 ou 4 ans qui firent reculer la royauté et la noblesse d’abord et d’asseoir ensuite une nouvelle autorité  -ce qui n’était simple-  permettant une république imprévue qui échappa un moment à ces bourgeois  prudents réformateurs, aux fractions et intérêts variables et  aux relations complexes. A Rome, le prolétaire était devenu politique car on l’y invitait, mais à Paris,  il s’est transformé seul, se radicalisant  par  mobilisations successives que les députés vont utiliser à leurs propres fins en favorisant l’entrée en politique d’une prolifération de petites bourgeoisies nouvellement émergées 

    L’empire Grec ou de  Macédoine   s’ouvrirent des ports en Asie, occasion de nouvelles alliances décisives  pour la république qui se maintint non contre le peuple,  mais en l’associant  dans la conquête un moment. A alliance terminée  nouvelles théories,  nouvelles philosophies et nouveau Droit  et par conséquent trouver dans l’Antiquité des arguments pérennes et universels qui en imposent. Tout cela en quelques mois  où des factions inconnues  de bourgeoisies nombreuses mais dispersées se concentrent « accidentellement » à Versailles. On   se repère comme on peut, quand on est jeune député  au sein de la diversification, la dispersion, les journaux, les chefs de file, les lieux de réunions, les oracles publics (la distribution du tract sur le marché aujourd’hui)   bref   ce qu’on va voir maintenant quand s’établit une « république » qui dura ...5 ans !

     

    [1] Le métier de citoyen…

    [2] Janine Cels Saint-Hilaire, La république romaine (133-44) av. J.-C. , Paris, Armand Colin, 2011, p. 229.

    [3] Claude Nicolet « Les classes dirigeantes sous la république : ordre sénatorial et ordre équestre », Annales E. S. C., vol. 32, n°4, pp. 726-755, 1977, p. 727.et avec  35 ans  d’écart......

    [4] Actes 1994.

    [5] Bernard Manin, principes du gouvernement démocratique.

    [6] Flaig, p. 25.

    [7] Nicolet, p. 732.Toute cette érudition dont profite la connaissance de Rome ne va pas à l’encontre des idées de J. Dunn

    [8] Voir Veyne, le pain et le cirque 1976.

    [9] pour un exposé complet : François Menant : L’Italie des communes (1100-1350), Paris, Belin, 2005.

    [10] Quentin Skinner dans Les fondements de la pensée politique moderne

    [11] A ce sujet, voir : Skinner, op. cit. et Pocock, Le moment machiavélien. Ces auteurs rappellent fort utilement au lecteur non spécialiste l’existence d’une très importante pensée politique publiée au moment même des événements politiques de la Renaissance (et ne se limitant pas à Machiavel). Leurs travaux pourraient fournir la base à une étude plus générale, à faire, du rapport entre l’analyse politique « à chaud », la biographie des auteurs, et les événements ou situations politiques d’Aristote à Marx.

    [12] Robert Finley : « The myth of Venice during the Italian wars (1494-1530», The sixteenth century journal 30, 4, 1999 : 931-944.

    [13] David Carrithers : « Not so virtuous republics…. » journal of the history of ideas 52-2 1991 : 245-268.

    [14] Heers Gênes au XVe siècle, paris 1957.

    [15] Christina Shaw, Popular government in oligarchy in Renaissance Italy, Leiden & Boston : Brill, 2006.

    [16] Shaw, « principles and practices in the civic government of fifteenth century Genoa “ quarterly renaissance, 58 1- 2005 : 45-90

    [17] Christine Shaw « counsel and consent in fifteenth century Genoa », The English historical review, 116, 468, 2001, 834-862.

    [18] Genes au XVe siècle, 1961.

    [19] Corporatism and consensus in florentine elctoral politics 1280-1400, University of north carolina press, 1982.

    [20] John Najemy, A history of Florence 1200-1575, . G. A. Brucker Renaissance Florence, New York, 1969.

    [21] John Najemy « Machiavelli and the Medicis : the lessons of the florentine history », Renaissance Quarterly, vol. 35, n°4, p; 551-576, 1982.

    [22] Heers, le clan familial au Moyen-âge, p. 247.

    [23] John Najemy « Guild republicanism in trecento Florence : the success and ultimate failure of corporate politics”, Am Hist Rev, 84, 1, 1979, p. 55-71. En 1300, Florence a 100 000 habitants à peu près, les 21 guildes 8000 membres soit peut-être un tiers des hommes adultes. 

     

    [24] John Najemy, A history of Florence 1200-1575.

    [25] Pocock, le moment machiavellien.

    [26] Margery A. Ganz “The Medici inner circle : working together for Florence, 1420-1450s” in D. Peterson & D. Borntsein, Florence and beyond, cilture, society and politics in Renaissance Italy : essays in honour of John M. Najemy, Victoria university, Toronto, 2008.

    [27] Pour un exemple de ces débats, voir la revue du livre de Shaw en 2008 par Najemy dans Speculum, vol. 83, n°4, p. 1034-36.

    [28] John Najemy « Guild republicanism in trecento Florence : the success and ultimate failure of corporate politics”, Am Hist Rev, 84, 1, 1979, p. 55-71.

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