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  •  Dans ce demi siècle  d’observation intense vous trouverez le pire et le meilleur des dangers  mystifiés ou non de l'observation participante ; comme les atrocités  françaises en Algérie;  le "danger" communiste en France; l'extraordinaire rencontre avec la sociologie américaine du fieldwork  

     Er enfin  une retraite anticipée de l'auteur en haute montagne  pour réfléchir dans le calme à  ce demi siècle occidental qui se clot dans la confusion et la mort médicalement assistée


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    24/03/2021 : Notes éparses, les Inventeurs et l'Etat.

     

     

     

                Si Clément Ader se veut chercheur indépendant, et s'il redoute l’État financeur, organisateur et planificateur, c'est que le pouvoir risquait de tenir la science en main. Et ceci a été justifié jusqu'en 1945, la science s’appuyant sur le petit capitalisme. Mais après, à l'ère nucléaire, c'est la science, l'informatique et la robotique qui tiennent le pouvoir en main, dirigeant le capitalisme. Cette science a exalté la fibre de la consommation, enrichie et transformée les sociétés sur les 20 dernières années, de telle manière que, ni la médecine, ni la santé, ni la culture ou l'école, n'échappent au devoir de progrès et d’application scientifique et technique, mais également de changement de nos esprits de consommation. Je vois en 20 ans, la multiplication des résidences, des voitures et des consommations de luxes, et je pressens que nos styles de vie nous échapperont que notre culture sera bouleversée, que les médias deviendront fous, que la publicité s’insinuera partout, et que nous dépendrons de plus en plus de la consommation de cette science alliée au capitalisme. Finalement, tandis qu’Ader avait raison de se méfier de l'Etat, c’est de la science qui l’a suivi dont il faut se méfier. 

     

                Je veux relier les deux textes que j'ai écrits au sujet du livre de Brochier et de Lepoutre : un seul titre suffirait pour deux livres différents. Ne demandez pas pourquoi ; demandez comment une république naît et meurt. Les deux approches sont en réalité uniques. C'est de la sociologie historique associée à de l’ethnographie de terrain. C'est la seule discipline qui mérite une place sur l’échiquier éditorial, enseignant, voire académique, de ce qu'on appelle par un grand mot mystérieux : la sociologie. Mystérieux parce que je n'ai jamais vu un tel évanouissement, une telle disparition, une telle absence de réaction d'une discipline dite sociale, qui depuis trois ou quatre ans, ne répond plus aux appels, aux sollicitations, aux exigences d'un esprit de recherche de quelqu'un qui serait un véritable sociologue.

     

    Par exemple, je ne vois aucun socio-ethnologue réagir, exprimer ses impressions, résumer ses observations devant la plus grande expression de peur panique du siècle actuel.

     

    Tout ce que je vois et ressens dans la vie quotidienne, au sujet de l'auto-enfermement, l'auto-confinement, l'éclatement des valeurs de voisinage ou d'amitié, face à une banale péripétie médicale, celle d'un virus parmi la centaine d'autres qui nous affectent chaque mois [ ? ]. Cette consternante auto-exclusion, cet effondrement de l'intelligence sociale, sont les phénomènes ahurissants que toutes personnes sensées ressentent en regardant autour de soi en ce-moment. Alors que les comportements publics, les relations immédiates, et la vie quotidienne, ont changé en quelques mois, cela s’oppose aux idées d’inertie, d’immobilisme, de lenteur des changements des conduites partagées quelques semaines, uniquement parce que notre histoire est emplie de Grandes Peurs sous la Révolution. Bien d'autres événements historiques auraient dû nous avertir des faiblesses, des failles, et des capacités d'auto-élimination que notre régime social et politique incarne. La disparition en quelques jours de nos certitudes devrait nous être présente à l'esprit puisque chaque génération en connaît au moins une dans sa vie. Récemment, on a eu les grands exodes de 1940, les tremblements de terre que furent les changements de régime, les occupations, et finalement la défaite et la victoire, tout ceci en une dizaine d'années.

     

    Mais plus récemment, notre génération née entre 1940 et 1950, a connu sa propre révolution intime, sa propre capitulation de l'esprit de droit et d'action morale, en face du drame algérien. Qu'on ait conduit quelques centaines de milliers de jeunes à se confronter du côté du mal, de la torture, de l'occupation, à imiter les conduites de ceux qui avaient pourchassé nos parents, que cette confrontation donc n'est pas été étudiée, analysée, diffusée, en tant qu'histoire, sociologie, ou observation participante, restera une fois de plus un grand mystère de l'enfermement de la science sociale, et un grand mystère de la conscience publique.

     

    Que personne n'ait vu arriver ce virus me semble un mystère, une surprise, puisqu'en réalité il touche régulièrement nos sociétés.

     

    Mais l'enseignement, qui est une forme de fuite devant le réel, s'est enfermé dans des chapitres, dans des tournées de conférenciers, dans des manifestations de célébrités, pour refuser le réel et pour rester aveugle au nom de la Vérité, de l’Éternité et de la Raison.

     

    L'enrichissement général, le boom récent d'extraordinaires inégalités, l'abêtissement vers lequel on dirige la jeunesse, la perte du sens des autres, le recul de l'observation et du regard social large, tout ceci aurait dû depuis 20 ans nous avertir de l'abîme vers lequel nous courrions. La fuite devant leurs responsabilités intellectuelles, de la part de nos hommes politiques, journalistes, médias, profs, représentants du peuple, restera un grand mystère de mon époque. Sur lequel j'étais tout de même averti par l'aveuglement dont mes aînés faisaient preuve devant les terribles réalités des guerres coloniales que notre génération a dû mener.

     

    Donc, l'obscurantisme des années 50 et 60 aurait dû faire écho à l'obscurantisme des années 2000 et 2020. Mais je regrette de n'avoir entendu aucune Voix historique qui, depuis « Londres » ou ailleurs, nous aurait appeler à la vérité et à la résistance à l'encontre de cette peur panique du siècle, celle du Covid-19.

     


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    A ce propos, je veux rapprocher mon insoumission dans la façon d’écrire la sociologie et dans le refus d’accepter la bêtise collective, la terreur de la mort et l’obsession de la maladie perpétuelle. Notre génération   a dû  lutter contre des virus plus graves : nous avons été des insoumis face à la stupidité de la République qui nous avait envoyés massacrer en Algérie ,même des enfants. Notre vaccination à nous, c’est celle contre l’obéissance à nos chefs,  de la critique des institutions,  de  la bêtise de la population qui se laissait manipulée. Donc s’ils viennent me vacciner de force, je partirai dans la montagne et vous direz aux gendarmes que je serai sans armes et qu’ils pourront tirer, en référence à la belle chanson de Boris Vian « Le déserteur ».  

     

    Puisque le hasard, plus tard, m’a fait sociologue de l’hôpital et de la médecine, je veux suggérer comment échapper aux mâchoires de la médecine qui s’emballent aujourd’hui.

     

    Ne devenez pas, comme la médecine folle le souhaite, ainsi que les religions rétrogrades, des Vincent Lambert qui avait vécu 20 ans en réanimation, sans la moindre conscience, ni manifestation de vie.

     

    Echappez à l’hôpital si vous êtes très âgé comme moi, échappez à la diffusion systématique de pharmacies et de spécialistes, échappez à l’emprise de la maladie et de la mort que l’on veut vous inoculer par un montage médiatique, une oppression idéologique, un chantage aux bons sentiments qui sont en fait un encouragement égoïsme personnel débridé .

     

    Anecdotiquement, je dirais comment mes parents ont échappé à la médecine lourde, à la chirurgie intrusive, en fin de vie, à 86 ans pour ma mère et 91 ans pour mon père. Ils ne sont pas partis à l’hôpital. Ils décidèrent de mourir chez eux. Ils le réussirent au bout de quelques jours d’inconscience, nous avons débranché, ma sœur et moi, notre père dans le coma et notre mère restée seule plusieurs années, a refusé la médecine hospitalière et la maison de santé pour finir seule dans sa chambre, d’une crise cardiaque.

     

    Moi-même, une fois hospitalisé dans ma jeunesse, suite à un accident sévère de match de foot et après une journée de plâtrage, de fractures, de points de suture de plaies, j’ai pris mes cliques et mes claques et j’ai quitté l’hôpital en douce. Souffrir ou mourir libre et indépendant est un honneur que nous revendiquons et un droit que nous défendons becs et ongles.

     

    C’est avec ce recul, cette absence d’angoisse, que j’ai pu étudier avec beaucoup d’amusement et d’ironie les services d’urgences, les hôpitaux, l’emprise des dépenses de santé sur une société devenue folle.Une seule journée de nos dépenses de santé collective, équivaudrait à assurer le transport, la réception, l’intégration de plusieurs milliers de migrants qui fuient la misère. A travers la santé, nous avons perdu la tête, sommes devenus fous et le virus le plus inquiétant est celui de notre égoïsme.

     

     

     


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  • A paraître dans une revue brésilienne, réalisé par C. Brochier le 20 et 30 novembre 2020. 

    Question : "Pourriez-vous d'abord parler de votre parcours académique et de votre carrière professionnelle ?"

    Jean Peneff : Oh vous savez, je suis devenu sociologue par hasard :occasion ou distraction, avec, en arrière-plan fondamental, la guerre d'Algérie. Au départ, je suis un villageois du Sud-Ouest, un peu comme Bourdieu. J'ai grandi dans le monde rural puisque mon père, un immigré bulgare, était vétérinaire à la campagne. Grandir dans cet univers, villageois m'a donné une curiosité pour les autres, pour le travail, pour les activités agricoles et artisanales. A la sortie de l'école avec mes camarades, on faisait les 400 coups, on allait observer les adultes, on écoutait les commérages. Mais pour les études, je suis allé à Toulouse. Cela a été un choc, une grande découverte. J'ai pris conscience des classes sociales. Pour moi, jusque là, un bourgeois c'était un homme qui avait 30 hectares, et à Toulouse j'ai vu la vraie bourgeoisie urbaine. 

    Alors, pour les études, je voulais faire des sciences et des maths. Après le bac scientifique, je suis allé en classe prépa, mais j'ai renoncé au bout de trois mois car le niveau en mathématique était trop élevé. J'ai repiqué en sciences politiques et en droit, parfois même un peu snob et antiféministe, assez traditionnel. Je fais mes études tranquillement jusqu'à 22 ou 23 ans. Mais pendant ce temps c'était la guerre d'Algérie (je suis né en 1939). Quand je rentre au village, je vois mes copains qui avaient eu moins de chance que moi, qui avaient combattu... Ils sont effondrés, dépressifs. On leur a fait faire des choses atroces : torturer les enfants dans les villages pour faire parler les parents...

    Donc on découvre l'autre face de la démocratie, un règne de terreur. Certains appelés désertent, ils fuient vers l'Italie, la Suisse. C'est une époque abominable, que la génération d'aujourd'hui peut à peine comprendre. Là, nous les étudiants, on est bousculé. On ne veut absolument pas participer à tout cela, et avec un ou deux bons copains on décide de prolonger nos études, en poussant le sursis jusqu’à son maximum. On choisit la sociologie sans trop savoir ce que c'est ; ça sonne bien, c'est en prise avec les problèmes de la société. Alors après ma licence de droit public, je commence mes certificats de sociologie. Les cours étaient essentiellement théoriques mais il y avait n enseignement d'ethnologie avec Nougier (1) qui était bien. On allait au bord de la Garonne, on ramassait des fossiles, bref on sortait un peu des murs de la fac. Puis, toujours pour repousser l'appel, j'ai 24 ou 25 ans, je commence une thèse de 3ème cycle sous la direction de Paul de Gaudemar (2). C'était un homme cultivé, sérieux, il était apprécié, il m'accepte pour une thèse sur le sous-développement et les relations internationales. C'était un travail livresque, sans grande originalité, mais cela m'a donné une bonne culture sur ce thème qui était devenu fondamental dans les années 1960. A la fin de l'année universitaire (je n'avais pas encore soutenu), je suis appelé en Algérie. Mais c'était après les accords d'Evian, j'ai donc le statut de soldat qui peut enseigner, faire de la coopération. Je suis envoyé au lycée El-Djala de Sidi bel Abbès pour enseigner la littérature. Je fais venir ma femme qui trouve elle aussi un poste d'enseignante. Je me retrouve donc en 1964 devant des lycéens qui doivent passer le bac de français. J'essaie d'expliquer Phèdre, Le Misanthrope, Don Juan. Ils sont passionnés. Ils avaient 19-20 ans et moi 25 ou 26 ans. On se lançait dans des discussions passionnées. Il y avait peu de différence d'âge entre nous. A quelques années près on aurait pu être les uns en face des autres avec un fusil en main pour s'entretuer... Mais heureusement, on apprend ensemble, je joue au foot avec eux. Dans cette région, ma femme et moi vivons quatre ou cinq années exceptionnelles. On voyage dans le pays, on suit une caravane de Touaregs, on visite la Kabylie, on est sous le charme du pays. En cherchant à satisfaire ma curiosité je fais un peu de la sociologie sans le savoir. On n'était pas les seuls, le milieu des coopérants était stimulant, tous on voulait découvrir cet univers fascinant (3).

    (1) Louis-René Nougier (1912-1995) paléo-sociologue des religions. Il occupait la chaire d'archéologie préhistorique à la faculté de lettres de Toulouse.

    (2) Paul de Gaudemar (1919-1995) enseignant à Toulouse puis à Paris 8 était spécialiste de la sociologie de l'éducation et des questions d'enseignement dans les pays en développement.

    (3) Voir : Jean Peneff : "La coopération, l'Algérie et la jeunesse de la sociologie", In  J.-R. Henry & J.-C. Vatin  (dir.), Le temps de la coopération, sciences sociales et décolonisation au Maghreb, Paris, Karthala, 2012. 

     

    N.B. : l'entièreté de l'entretien paraîtra à l'automne 2021 dans une revue brésilienne à l'initiative de C. Brochier dont je signale encore ici l'excellent livre sur l'histoire des républiques dont j'ai parlé ailleurs : La mort des républiques


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